Mes expériences, mes recherches, mes voyages, mes créations. Entre sémiotique, anthropologie interculturelle et création artistique, le tout lié par l'humour et la dérision.
Catégorie : VENISE
Venise à travers les ans, les expositions et les fêtes.
Damien Hirst est un artiste britannique, né le 7 juin 1965 à Bristol (Angleterre)1. Il vit et travaille à Londres. Il a dominé la scène de l’art britannique dans les années 1990 en tant que membre du groupe des Young British Artists. En 1995, il est lauréat du prix Turner.
Nous étions à Venise au printemps de 2017 à nous promener inlassablement dans la cité, nous perdant dans les venelles dont beaucoup se terminent au bord d’un étroit canal traversé de linge blanc qui sèche.
Pendant nos promenades, nous ne pouvions manquer de voir annoncé, sur le flanc des vaporetti, une mystérieuse exposition sur les trésors d’un naufrage …
Cette exposition se tenait dans deux palais magnifiques, le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana.
Nous commençâmes notre visite, émerveillés par les oeuvres magnifiques autant qu’étranges qui étaient exposées.
Il nous fallut un petit moment pour nous rendre compte que tout était faux, ou, du moins, inventé. Un Mickey faisant partie de la collection nous ôta tout doute et cela ajouta à notre enthousiasme pour un tel génie créatif.
L’imitation de l’art classique antique a été un des grands moteurs des oeuvres de la Renaissance jusqu’à la fin du XVIIème siècle, période particulièrement faste pour Venise. C’est aussi ce qui en a bridé et réduit la capacité de se réinventer.
Damien Hirst s’amuse à imiter pour mieux détourner, ce qui ouvre les portes du rêve, du fantastique, de l’humour et de la folie. Dans le cadre des palais vénitiens, ce détournement de l’histoire de l’art prend une dimension supplémentaire en s’appuyant sur la synergie entre le faux et le vrai.
Le plus extraordinaire était ce géant qui occupait à lui seul tous les étages du hall immense du Palazzo Grassi, l’oeuvre et le lieu échangeant leur démesure.
C’est un peu l’équivalent du carnaval qui joue aussi sur l’imitation et l’illusion dans un cadre authentique.
Rien que cela fait que Venise est une ville qui dépasse le monde.
Le carnaval de Venise est l’un des plus célèbres du monde, sinon le plus fameux. Comme beaucoup d’autres carnavals, il plonge ses racines au Moyen Âge. Comme beaucoup d’autres aussi, il précède le carême pour, après dix jours de fête, s’achever mardi gras, juste avant le mercredi des cendres, point de départ de quarante jours de pénitence et de privations.
Le carnaval de Venise est au confluent de trois traditions :
Il a pour principe, l’inversion des valeurs et des statuts, le riche se fait pauvre et le pauvre se fait riche ; le puissant se fait humble et le gueux se fait roi. Tout le monde est costumé et masqué, personne ne sait qui est qui, un esprit de liberté et d’égalité s’associe à la fraternité de la fête.
Il repose sur les costumes, mais surtout sur les masques. Venise est une ville où l’on s’est toujours masqué, même en dehors du carnaval. C’est ce qui garantit la liberté et la possibilité de commettre mille excès très habituels dans cette cité état friande de toutes les étrangetés. Un type de masque appelé Bauta, doté d’un bas en forme de biseau très évasé, permet même de boire et manger sans révéler son visage.
La richesse des costumes et la somptuosité des fêtes et des cérémonies sont aussi des moyens pour Venise d’affirmer sa puissance et sa prospérité. Du temps des conquêtes et du commerce triomphant, cette exhibition de sa richesse sont des signes tangibles adressés par Venise aux autres nations.
Le carnaval de Venise existe depuis près d’un millénaire, mais a connu de nombreuses éclipses correspondant toutes à des périodes de crise et de tyrannie. Napoléon, comme Mussolini, n’étaient pas du tout favorables à l’esprit du carnaval.
En revanche, le XVIIIème siècle élégant, cosmopolite et libertin s’en empare avec délice et cela se voit encore dans les costumes très majoritairement inspirés par le siècle des lumières.
Une autre source d’inspiration est la Commedia del Arte avec ses personnages et ses masques difformes. Le souvenir de la peste se manifeste avec les masques au long nez et les houppelandes noires.
Le XIXème siècle s’invite aussi, partageant le carnaval entre Casanova et Lord Byron.
Mais aussi, toutes sortes de fantaisies sont permises, s’inspirant du cinéma ou de délirantes architectures vestimentaires.
Le carnaval d’aujourd’hui n’est réapparu qu’en 1980, c’est-à-dire quand Venise a renoué avec la prospérité.
Il combine les costumes et les masques traditionnels souvent extraordinairement coûteux (une jaquette brodée se loue 450 euros par jour, certains masques se vendent plus de mille euros) avec des déguisements fantaisistes bon marché fabriqués en Chine et portés par les quelques cent mille visiteurs venus de partout pour jouir de la liberté offerte par la cité.
Les plus magnifiques costumes sont souvent portés par des gens d’un certain âge, voire des vieillards voûtés marchant à petit pas.
Parmi les costumes les plus beaux, on ne compte pas moins de vingt pour cent de Français qui ne manquent jamais de venir au carnaval avec des costumes de plus en plus somptueux. Une jeune femme que nous avions rencontrée sur le pont du Rialto et qui nous avait dit venir de Versailles, nous croise à nouveau, dans un autre costume en nous affirmant : « aujourd’hui, je fais la Montespan ».
Une autre jeune fille, venue de Hollande, prête son magnifique visage à la Jeune Fille à la Perle de Vermeer.
Les gens plus jeunes en profitent pour exprimer sans fard leur tendances personnelle, de nombreux travestis et de gays s’exposent joyeusement, tout comme des prélats et des prêtres d’opérette en profitent pour railler la religion tant présente dans ce pays.
Les enfants ne sont pas en reste, déguisés, parfois avec luxe, et exhibés par des parents complaisants. Il arrive même que l’on déguise son chien.
Les principaux lieux de rassemblement des masques sont, d’abord la place Saint Marc, mais aussi les innombrables campi, grandes places cernées d’églises baroques.
La foule est compacte, grégaire, chacun se déplaçant en processions interminables, d’un campo à l’autre, le regard rivé sur ceux qui le précède ou son écran de portable.
Les plus beaux déguisements s’offrent volontiers aux badauds qui adorent se faire tirer le portrait en leur compagnie. Même moi, avec mon modeste accoutrement noir et or, je me suis fait prendre en photo bien des fois par des touristes.
Ces mêmes groupes d’élégants se plaisent à se retrouver au café Florian, celui que fréquentait Casanova, après avoir quitté les Plombs. Le dernier dimanche, on comptait plus de mille clients faisant la queue devant l’illustre café où le thé se facture plus de treize euros quand il est simple et quarante-cinq quand quelques douceurs l’accompagnent.
Outre le fait de se montrer dans les rues et sur les places, les masques sont invités à participer à des événements comme le saut de l’ange (depuis le sommet du campanile de Saint Marc) ou l’élection de la plus belle vierge. On a renoncé au lâcher de cochons dans les ruelles.
Le soir, dans le secret illuminé de palais mystérieux, des dîners ruineux permettent de se montrer autant que de se régaler en se ruinant encore un peu.
Au soir de Mardi Gras, l’excitation retombe, les magasins commencent à solder leurs masques, la procession des valises retourne vers la gare.
Puis le carnaval s’achève et Venise redevient paisible. Les seuls masques que l’on porte sont contre la pandémie …