Dieu et le Puceron

Si le temps n’était qu’une illusion ?

Si le surnaturel était le signe d’univers inaccessibles ?

Si Dieu était une métonymie d’un monde à N dimensions ?

Si la mort n’était qu’une perte de temps ?

1957

J’avais six ans et mon parrain m’avait amené à la messe place Victor Hugo. J’étais bien habillé et mes cheveux étaient brillantinés. J’étais planté là entre des adultes sévères et recueillis. Lorsque la clochette résonna pour annoncer la descente du saint esprit, tout le monde baissa la tête avec l’humilité toute relative des bourgeois du XVIème. Moi, je ne pus m’empêcher de regarder en l’air le miracle s’accomplir. Rien. J’eus définitivement la conviction qu’on se faisait avoir et je devins athée.

Quelque temps après, je jouais sur le tapis de la salle à manger avec mes soldats de plomb. Le chevalier tout en armure était en train de trucider l’indien avec sa coiffe de plumes malgré les efforts du GI armé d’un bazooka.  Je renversai l’indien  qui l’avait bien mérité quand je fus pris d’une certitude atterrante : l’indien de plomb était mort, mais moi aussi je pouvais être mort. Et, comme j’étais devenu athée, il n’y avait pas de paradis à attendre. 

Cela me pourrit la vie pour très très longtemps.

C’est peut-être pour cela que je me suis vite intéressé à toutes sortes de disciplines telles que l’astrophysique, la cosmologie, la théorie du chaos, aux singularités quantiques, à la paléontologie et  à l’histoire des civilisations et même à celle des religions. Mon allergie aux équations à plusieurs inconnues me ferma la porte des études scientifiques, mais pas celle des conséquences de toutes ces théories. Jacques Monod, Jean Pierre Changeux, Albert Einstein, Stephen Hawking, Yuval Noah Harari, Gregory Bateson et plein d’autres auteurs de traités sur la marche du monde devinrent mes compagnons de route à la recherche de réponses à cette question cruciale qui m’assaillit ce soir de 1957.

LE MONDE

Le monde métaphysique des croyants m’apparût d’emblée comme une exaspérante fiction destinée à asservir l’esprit des hommes. Du coup je devins un irréductible positiviste rationaliste. J’adoptai avec vigueur le point de vue de celui qui ne reconnaît que ce qu’il peut concevoir sans équivoque.

Puis, au fil des ans, je découvris que l’histoire était toujours celle des vainqueurs, que les textes comportaient souvent des sous-textes, que les gens étaient soumis à des illusions, voire des dédoublements, que la théorie du chaos expliquait bien des choses et que la physique quantique mettait à mal la logique de notre perception. 

Mes lectures me firent prendre conscience que l’humanité n’était qu’un grain de sable perdu dans le désert galactique. S’il existait des extra-terrestres, les chances de les rencontrer étaient quasi nulle du fait des distances et d’infime durée de l’humanité sur terre. 

J’en vins à me persuader que le monde tel que nous le percevons est profondément différent d’un monde réel qui échappe à nos sens, à notre échelle, à nos connaissances et à nos instruments de mesure. 

L’être humain est ainsi fait qu’il s’inscrit dans un système à trois dimensions qui constitue l’espace dans lequel il peut se mouvoir librement (à son échelle) et dans une dimension obligée, orientée, non maîtrisable et relative à ses déplacements, qu’est le temps. 

Très curieusement, c’est le temps qui impose toutes les limites à la maîtrise de tous les autres aspects de l’espace, de la vie, des déplacements, de la physique de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

La question qui émerge de cette représentation du monde est de considérer le temps, non pas comme une dimension, mais comme l’indice de dimensions auxquelles nous n’avons pas accès.

LES DIMENSIONS

En tant qu’humains, nous avons coutume d’admettre que nous pouvons appréhender des systèmes à une, deux, trois, voire quatre dimensions. Mais les physiciens modernes nous disent que le monde réel peut comporter bien plus de dimensions dont ils nous disent qu’elles sont enroulées sur elles-mêmes. 

Lorsque Einstein nous parle de courbure de l’espace pour nous expliquer que les planètes ne font pas des ellipses autour du soleil, mais qu’elles tombent en ligne droite dans un espace courbé par la masse de l’étoile, c’est à dire dans une dimension supérieure à la troisième dimension, notre seul moyen de nous représenter le phénomène est d’en donner une image en trois dimensions où une surface plane est courbée. Nous ne parvenons pas à nous représenter un monde en quatre dimensions, si ce n’est par des métaphores ou des images appartenant à la troisième dimension. 

Les tableaux suivants présentent les différentes dimensions que l’on peut concevoir en prenant une pelote de fil comme objet :

On se rend facilement compte que, si la première dimension et la seconde dimension sont aisément concevables, leur représentation est beaucoup moins évidente. 

Un monde en une dimension est une ligne droite infinie où il n’existe ni épaisseur, ni profondeur. Cela résiste à notre entendement.

Un monde en deux dimensions résiste tout autant à notre entendement. Nous pouvons cependant nous représenter un plan ou une carte qui sont la transposition en deux dimension d’un monde en trois dimensions. 

La seule dimension que nous semblons concevoir sans effort est la troisième qui organise notre perception commune et à laquelle s’adjoint la flèche du temps qui l’oriente selon la loi de l’entropie universelle : tout fout le camp.

Dès que l’on s’aventure au delà de la troisième dimension, la théorie se conçoit, mais la représentation résiste à notre entendement. 

Le cinéma s’y est essayé à de nombreuses reprises : 2001, Inception, Interstellar (le 2001 du pauvre), Matrix. Les séries TV ne sont pas en reste, Fringe est un exemple plutôt intéressant. 

Mais, au delà de la fiction, les plus récents travaux des astrophysiciens tendent à confirmer l’existence de multivers. En particulier des multivers où la flèche du temps serait inversée, voire absente.

UN AUTRE MONDE

Le monde tel que nous le percevons n’est probablement qu’une infime partie d’une réalité infiniment plus complexe et impossible à se représenter. 

Le puceron sur sa tige se meut dans une seule dimension, il suit un puceron et est suivi par un puceron. Il n’a pratiquement pas idée qu’il existe un monde de dimension supérieure, notamment l’espace, puis que sa tige est son seul univers. De temps en temps Dieu surgit de nulle part et vient prendre sa part. Il s’appelle coccinelle.

Nous sommes exactement dans la même situation que le puceron, mais dans un monde en trois dimensions. Ce qui se passe dans les dimensions supérieures nous est incompréhensible.

Pourtant, puisque ces dimensions existent, elles ne peuvent pas ne pas interférer avec notre monde. 

Nous traduisons ces interférences en des  termes de superstitions, de croyances et de religions. Nous sommes persuadés que nous avons vu des fantômes, nous éprouvons des sensations de déjà vu, de présences invisibles. Les Indiens d’Amériques et les aborigènes d’Australie considèrent les rêves comme d’autres réalités. Les religions asiatiques croient à un monde parallèle où vivent les ancêtres et les sagesses de la nature. De nombreuses religions sont persuadées d’un cycle éternel de réincarnations et de résurrections. On imagine des mondes parallèles qui nous visitent de manière plus ou moins amicale. 

La science rationalise tous ces phénomènes. Freud a fait la peau au monde des rêves et les neurologues parlent de dissonance neurologique les sensations de déjà vu. Quand aux aliens et aux fantômes, on attend toujours la preuve. Sans parler des miracles.

Si tous ces phénomènes nous apparaissent avant tout comme des constructions d’esprits gouvernés par la foi, la superstition ou la crédulité, ils peuvent aussi être la signature altérée dans notre monde en trois dimensions de phénomènes provenant de dimensions supérieures auxquels nous n’avons pas accès.

S’il est admis que la notion de multivers est une réalité et que les multivers ne peuvent pas ne pas interférer avec notre univers en trois dimensions, il devient acceptable de considérer que nous nous mouvons dans un système infiniment plus complexe que celui que nous percevons.

Dans ce cadre de pensée, on peut imaginer un concept de dieu appartenant à une dimension bien plus élevée que la notre, affranchie du temps et de l’espace, transcendant et immanent. Ce que certains appellent Deus Ex Machina, un être inconcevable que l’on ne pourrait ni nommer ni représenter. Mais de le concevoir comme un dieu, c’est le transposer dans notre système réducteur de représentation. 

Ah oui, une chose encore! Les multivers s’affranchissent des contraintes du temps, donc il n’y a ni commencement, ni fin. On ne naît plus, on ne meurt plus, tout s’inscrit dans un cycle éternel et infini. Et ainsi j’ai répondu à ma question de 1957. 

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