Un Après Midi à l’Opéra

Notre fille Margaux nous a offert pour Noël des billets pour un Escape Game à l’Opéra de Paris. Regard narquois quoiqu’affectueux pour les Vieux … qu’elle envoyait dans un de ces jeux où l’on risque de se perdre.

Nous aimons l’Opéra de Paris où nous sommes allés pour une visite guidée, mais aussi pour assister, il y a bien trente ans, au Vaisseau Fantôme de Wagner (Ta Ta taaaa !!!). Dans ma jeunesse, j’étais allé avec mon meilleur copain, à cinq heures du matin, acheter des billets pour Boris Godounov par le Bolchoï. Nous étions au poulailler, mais cela ne nous empêchait pas de hurler de bonheur avec la foule des spectateurs à la fin du spectacle.

L’Opéra de la Bastille est la sinistre traduction prétendument moderne d’un opéra avec son architecture de centre de bricolage.

L’Opéra de Paris, c’est la forme la plus sublime de l’art pompier, une déclinaison superlative, redondante et tape à l’œil de tout le luxe d’une époque en pleine déliquescence. Le Corbusier le honnissait et les architectes modernes le regardent avec condescendance pour son art de fin de règne.

Et c’est en cela qu’il est sublime. On ne peut pas faire plus. On ne peut pas faire plus massif, ajouter encore des colonnes, du marbre, des bustes, des coupoles, des galeries de glaces, des escaliers monumentaux, de l’or, du velours, des bois précieux, des cariatides, et je ne sais quoi encore. Il est monstrueusement sublime il est le bouquet final, le dernier coup de cymbales d’un art qui rend l’âme. Il est tout en fer et on ne voit pas le fer, il est tout moderne et on ne voit rien de moderne. On y découvre des colonnades à l’intérieur des colonnades, c’est dire que l’art pompier est redondant.

Tous les arts, de tous temps, ont évolué d’une forme simple, lisible vers plus de sophistication, pour aboutir à l’excès.

L’architecture grecque part du dorique, pour devenir ionienne et s’achever dans le corinthien avant d’être encore surchargée par les Romains.

L’art gothique rompt avec l’art roman dans l’écriture claire et simple de sa forme primitive et classique, puis il devient rayonnant pour finir par exulter dans sa forme flamboyante et encore quelques excès magnifiques qui l’achèvent pour qu’il cède la place à l’architecture classique.

La musique romantique naît vraiment avec Schubert (Beethoven enterre le classicisme), elle évolue avec Berlioz, Schumann, Mendelssohn, et elle aboutit à l’extravagance somptueuse de Mahler et Richard Strauss.

L’art romantique, excessif en lui-même, gouverné par les émotions et l’aventure, se dresse contre l’ordre classique et ses ordres cadencés. Et quand l’excès débouche sur ses propres excès, il devient l’art pompier. Le romantisme se retourne contre l’art classique dans ses excès rococos, ses airs qui retombent sur leurs pieds, son culte de la bonne santé et la pensée bien en ordre.

En architecture, cela se voit bien et cela aboutit à l’Opéra de Paris.

On ne construira plus jamais comme cet opéra, on abandonnera sans regret ce simulacre de pierre entièrement fait de métal, on fera surgir l’art et l’architecture modernes de cet encombrement colossal qui est certes un mensonge, mais qui est aussi un envoutement fabuleux. L’Opéra de Paris est une mise en scène à lui tout seul, un décor dans lequel Gaston Leroux et bien d’autres, feront errer leurs fantômes. On ira même jusqu’à faire de la réserve d’eau qui se trouve dans ses fondation, un lac maléfique où errent des barques maudites.

La salle, pourtant immense, n’occupe qu’une partie infime du théâtre, ce qui fait de cet édifice une sorte de cité de la musique avant l’heure. En revanche, la scène et sa machinerie sont d’un gigantisme à l’échel de cet art protubérant.

On ne fera plus de théâtres à l’italienne où l’on vient bien plus pour être vu que pour voir ce qui se joue sur scène, l’architecture deviendra utile et fonctionnelle. Après l’Opéra de Paris, le théâtre des Champs Élysées. Puis l’Opéra Bastille. Essayez donc de rêver à l’Opéra Bastille !

Et quand je pense que l’architecte de l’Opéra de Paris, Charles Garnier, ne fut même pas invité à l’inauguration.

Aujourd’hui, on y vient bien sûr pour y voir de la danse et écouter de la musique dans une salle à l’acoustique magique, mais on y vient aussi pour visiter les quelques endroitsd ouverts au public. On y vient aussi pour dessiner, pour s’entraîner à danser, ou comme nous pour jouer à des jeux qui nous forcent à porter les yeux sur les détails les plus insolites du lieux. On y joue un peu et puis on se perd dans le dédale des salles, des escaliers et des couloirs tout frissonants de mystères.

Et c’est tout Paris qui se reflète dans ce monument invraissemblable et captivant. Cette avenue qui fut tracée d’un trait de plume entre les Tuileries et l’Opéra afin qu’on pût mieux voir le mopnument et que Napoléon III pût aller à l’Opéra sans se faire dynamiter, c’est encore l’Opéra !

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