Vinci par ci, François par là. Nos châteaux de la Loire.

2020, c’est l’année de nos quarante ans de mariage. Il était temps que je découvrisse Chambord, Chenonceau et tutti quanti.

Nous avons donc pris la route avec la ferme intention d’en voir peu, mais de les bien voir.

Nous arrivâmes à Orléans, un dimanche pluvieux de confinement. Autant dire que le premier contact avec le val de Loire fut un peu gris. Rues quasi déserte, tout fermé, des enfilades de pierre grise, toute la gaieté de la vie de province. Heureusement, nous y fûmes rassasiés par les meilleures carbonara du monde, cuisinées à même la meule de fromage. Les sourires se voient encore mieux sur fond gris.

Le pont de Beaugency

Puis ce fut Beaugency, joliment déserte au milieu de ses ruines de donjon et ses façades bien closes. Par bonheur, notre hôtel, une abbaye reconvertie, nous offrit un dépaysement tout cistercien. Non loin de là, dans la toundra urbaine des villages assoupis, une jeune brasserie toute pimpante nous fit échapper à l’ennui d’un restaurant corseté que nous avions fuit.

Prenant la route vers Chambord, nous fîmes la pénible expérience de campagnes  défigurées par les pavillons sans style, les centres commerciaux sans âmes et les entrepôts sans objet. N’allez pas croire que les châteaux de la Loire se pressent tous les uns en vue des autres. Ils sont plantés au milieu du désastre d’une campagne en déshérence. Villages gris aux façades plates et volets fermés agglutinés le long de la route entre une multitude de rondpoints.

Chambord

Puis, soudain, Chambord. Le nom vous emplit la bouche, sonne comme un cor de chasse. La folie architecturale trônant au coeur d’un parc immense et des forêts sombres traversées d’allées. On reste sans voix, on s’envole jusqu’aux toits par la double hélice de cet escalier fou pour découvrir une forêt de cheminées et clochetons. Chambord dépasse tous les rêves et tous les contes de fée, Leonardo et François s’en sont donnés à coeur joie, sans ni le finir, ni l’habiter.  C’est encore plus beau car c’est le triomphe de l’inutile.

Encore un petit saut, ce fut Blois, le temps d’un déjeuner et d’un coup d’oeil au château, et hop, nous voilà à Amboise !

Amboise

Ambroise et son château conçus un soir de grande ébriété … Il y a bien un château construit sur une avancée rocheuse entre la ville et la Loire. Mais il y en a un autre construit sur le premier. Un château pour habiter, tandis que le premier est juste là pour faire peur aux envahisseurs. Du coup, il faut beaucoup monter pour arriver au logis royal. On a même bâti une tour avec une rampe en spirale pour pouvoir grimper à cheval. Vue depuis le logis, tout là haut, de l’autre côté d’un jardin, on voit une petite chapelle avec la dalle funéraire de Léonardo. Mais quand on est en ville, on se rend compte que la petite chapelle est plantée au sommet d’une tour de près de cinquante mètres … Ils ont dû boire beaucoup de Quincy et de Vouvray avant de dessiner ce château délicieusement foutraque. 

La chapelle d’Amboise

La ville est blottie entre le château et la colline qui forme la berge de la Loire. Et on semble n’y faire que manger. Le voyageur en quête de Renaissance est grandement tenté de se régaler dans les innombrables restaurants qui jalonnent sa route et offrent des menus à l’abondance rabelaisienne. Un peu plus loin, les habitations deviennent troglodytes et au bout du chemin, on tombe sur le Clos Lucé, le Sam Suffit de Lenny da Vinci. On peut y voir tout ce que le génial inventeur n’est pas parvenu à fourguer à ses mécènes divers. Amboise,  c’est la ville à ne pas manquer si l’on veut se frotter à l’inventivité de la Renaissance.

Chenonceau

Cap sur Chenonceau. Traversée de campagnes défigurées et, soudain nous pénétrâmes dans l’écrin de nature qui embrasse le château. Autant Chambord s’impose en grandiose, autant Chenonceau se pose en précieux. On le voit d’abord par la tranche, petite merveille d’harmonie. Puis, seulement si on s’éloigne, on découvre la longue partie construite sur le pont et qui semble n’avoir jamais été achevée. Cette longue partie du château est faite de deux galeries superposées, qui servirent d’hôpital, peut-être de salles de bal, elle n’est là que pour s’exposer à l’admiration des visiteurs. Entouré de jardins de la Renaissance, de champs de fleurs qu’une jeune femme assemble en de somptueux bouquets, ce château est un songe.

Nous avons renoncé à Chaumont, entrevu en passant, à Azay le Rideau que nous connaissions déjà et à Cheverny qui fait penser à Tintin. Nous voulions voir Loches. 

Un petit détour par Tours nous montra une ville écartelée entre un décor de ville pieuse et provinciale à l’ennui propret et son envahissement par les étudiants et toutes sortes de gens bien décidés à vivre leur vie dans la diversité des arts et cultures. C’est comme l’huile et le vin, ça a du mal à se mélanger. D’autant plus que la ville est cernée par une banlieue hideuse.

Loches, c’est une ville plus qu’un château et ce n’est presque plus la Loire. Mais c’est un village étrange, une église étrange, un donjon inquiétant (merci Louis XI) et une plongée dans un Moyen Âge finissant revu par Viollet le Duc. C’était jour de marché et nous y achetâmes des artichauts. 

En définitive, le val de Loire est une juxtaposition de merveilles un rien espacées, souvent dissimulées derrière de hautes haies. Avec un peu de malchance, on peut traverser toute cette région sans rien voir de ses beautés. Ces lieux d’exception sont malheureusement assiégés par un environnement déprécié, triste et dont on rêverait qu’il prenne conscience de son unité, de son rôle au sein de l’histoire humaine.  

Et maintenant, voici la même chose en images …