Week End en Normandie

J’adore aller passer un moment dans le petit port de Honfleur qui n’est ni sur la mer, ni même au bord de la Seine, mais bien abrité au bout d’un chenal. L’eau est partout, les bateaux de pêcheurs aussi, créant un contraste de forme et de couleur avec les innombrables maisons à colombages ou aux façades couvertes d’ardoise. On a l’impression de se perdre dans cette toute petite ville qui a gardé sa structure médiévale. 

La ville a su garder son âme malgré l’abondance des touristes qui se font pourtant plus rares en hiver. À deux heures de Paris, elle offre le dépaysement d’un endroit authentique et chaleureux. Les pêcheurs y font contrepoids aux touristes.

Les touristes, les marins et les plaisanciers y cohabitent avec une grande bienveillance. On est accueilli avec gentillesse dans les nombreux restaurants qui semblent s’être donnés le mot pour tous proposer les mêmes menus. Mais qui se plaindra de manger des moules, gober des huitres et déguster des soles et des daurades.

Il existe même un paradis des papillons actif même en hiver :

De Honfleur à Trouville, la côte est bordée de villages ponctués de belles demeures à colombages et de bords de mer escarpés. Villerville se souvient encore du passage de Belmondo et Gabin dans un Singe en Hiver. Puis on se trouve dans Trouville, une ville balnéaire qui a oublié de passer les années 50. La ville est gaie et nostalgique. On s’y sent bien, même si le soleil a de la peine à venir à bout de l’air de l’hiver. Les gros hôtels et le casino ont des petits airs de Lido de Venise.

Puis on passe à Deauville, immense dortoir à nouveaux riches  exhalant son snobisme. Sa gare ressemble à celle de Dalat parce que cette ville fut bâtie par les Français pour servir de villégiature aux colons accablés par la chaleur de Saïgon. On fuit et on retourne dans le monde des humains.

Au retour, escale à Pont Audemer. Une ravissante petite ville sillonnée de canaux étroits et surplombés de maisons à colombages et encorbellements. Hélas, la ville est encombrée de voitures qui rendent les promenades à pied dans les ruelles étroites difficiles et dangereuses. 

Montpellier, on dirait le Sud !

Montpellier est une drôle de ville au caractère singulier et attachant. C’est une ville de jeunes, libres, recontactés, heureux et souriants. C’est une ville qui bouge et qui aime bouger. Elle a surgi au Moyen Âge, posée sur un rocher au milieu d’un réseau de cours d’eau serpentant entre les étangs et les marais. Cela fait que la ville héberge aussi une vaste population de moustiques.

Les Romains, présents dans toutes les villes alentour n’ont pas jugé bon de s’y installer et d’y tracer leur quadrillage urbain si commode. Montpellier, c’est une ville où la plus large avenue n’est pas plus large qu’une rue moyenne de Paris, Les rues ne sont presque jamais droites, serpentant le long des pentes du Mont Pellier. Cela veut dire qu’on est toujours en dessous ou au dessus d’un autre endroit et que le chemin le plus court ne saurait être en ligne droite.

Louis XIV y a laissé sa trace en creusant une saignée majestueuse qui ferme plus qu’elle n’ouvre la cité. À l’opposé Ricardo Bofill a érigé tout un quartier extravagant fait de frontons et de colonnades. 

Cette ville, dont le centre n’est guère plus grand qu’un arrondissement parisien, est un triple plat de spaghettis incompatibles entre eux, fait des voies de quatre lignes de tramways surgissant de partout, de routes et de rues bardées de sens interdits inopinés et de barrières anarchistes et de pistes cyclables vindicatives. Le tout dans un festival de travaux dantesques rendant les GPS paranoïaques. On peut souvent se trouver pris en sandwich entre trois ou quatre niveaux de voies enchevêtrées se bloquant le passage l’une de l’autre. On finit à pied dans le dédale des rues brûlées par le soleil parmi une foule de jeunes gens au sourires bronzés. 

Montpellier compte presque autant d’universités et d’écoles que de restaurants. C’est une des raisons pour lesquelles la ville est pleine de jeunes, des jeunes instruits et curieux de tout qui font de l’ambiance de cette ville une des plus agréables qui soit. 

C’est aussi pourquoi le fils de Binh, Ti Duc, a choisi de venir y faire ses études. Il a aussi la chance d’intégrer l’importante communauté vietnamienne de la ville et qu’il a pu rencontrer un jeune youtubeur aussi talentueux que drôle et sympathique. Il s’appelle Hai Dang, ce qui veut dire « phare » en langue vietnamienne, ce qui ne l’empêche de ne pas avoir le moindre sens de l’orientation.

https://www.youtube.com/results?search_query=hai+dang

Ce qui frappe le plus le parisien morose, c’est la gentillesse de tous les habitants qui, même quand ils doivent vous opposer un refus, tentent de vous proposer une solution, de vous aider par tous les moyens. Ils sont jeune, ils sont beaux, ils sont sympathiques.

Alors on oublie les moustiques et l’heure entière qu’on a passé à se rendre à cent mètre de chez soi.

Et puis la mer n’est pas loin, elle envoie, par moment, le soir un peu de fraîcheur !

Tout près de là, à une vingtaine de kilomètres, Aigues Mortes se dresse elle aussi au milieu des étangs et des marais. Forteresse portuaire, elle est demeurée presque intacte depuis huit cents ans avant de devenir un piège à touristes.

En route pour la croisade !

Tout près de montpellier, à un quart d’heure de bus, la côte alligne une ligne continue de bétonnage portant la signature malencontreuse de l’urbanisme des années 70. Le seul avantage, c’est de pouvoir troiuver une plage de sable achaud sur une mer d’azur à un jet de pierre de Montpellier.

Vinci par ci, François par là. Nos châteaux de la Loire.

2020, c’est l’année de nos quarante ans de mariage. Il était temps que je découvrisse Chambord, Chenonceau et tutti quanti.

Nous avons donc pris la route avec la ferme intention d’en voir peu, mais de les bien voir.

Nous arrivâmes à Orléans, un dimanche pluvieux de confinement. Autant dire que le premier contact avec le val de Loire fut un peu gris. Rues quasi déserte, tout fermé, des enfilades de pierre grise, toute la gaieté de la vie de province. Heureusement, nous y fûmes rassasiés par les meilleures carbonara du monde, cuisinées à même la meule de fromage. Les sourires se voient encore mieux sur fond gris.

Le pont de Beaugency

Puis ce fut Beaugency, joliment déserte au milieu de ses ruines de donjon et ses façades bien closes. Par bonheur, notre hôtel, une abbaye reconvertie, nous offrit un dépaysement tout cistercien. Non loin de là, dans la toundra urbaine des villages assoupis, une jeune brasserie toute pimpante nous fit échapper à l’ennui d’un restaurant corseté que nous avions fuit.

Prenant la route vers Chambord, nous fîmes la pénible expérience de campagnes  défigurées par les pavillons sans style, les centres commerciaux sans âmes et les entrepôts sans objet. N’allez pas croire que les châteaux de la Loire se pressent tous les uns en vue des autres. Ils sont plantés au milieu du désastre d’une campagne en déshérence. Villages gris aux façades plates et volets fermés agglutinés le long de la route entre une multitude de rondpoints.

Chambord

Puis, soudain, Chambord. Le nom vous emplit la bouche, sonne comme un cor de chasse. La folie architecturale trônant au coeur d’un parc immense et des forêts sombres traversées d’allées. On reste sans voix, on s’envole jusqu’aux toits par la double hélice de cet escalier fou pour découvrir une forêt de cheminées et clochetons. Chambord dépasse tous les rêves et tous les contes de fée, Leonardo et François s’en sont donnés à coeur joie, sans ni le finir, ni l’habiter.  C’est encore plus beau car c’est le triomphe de l’inutile.

Encore un petit saut, ce fut Blois, le temps d’un déjeuner et d’un coup d’oeil au château, et hop, nous voilà à Amboise !

Amboise

Ambroise et son château conçus un soir de grande ébriété … Il y a bien un château construit sur une avancée rocheuse entre la ville et la Loire. Mais il y en a un autre construit sur le premier. Un château pour habiter, tandis que le premier est juste là pour faire peur aux envahisseurs. Du coup, il faut beaucoup monter pour arriver au logis royal. On a même bâti une tour avec une rampe en spirale pour pouvoir grimper à cheval. Vue depuis le logis, tout là haut, de l’autre côté d’un jardin, on voit une petite chapelle avec la dalle funéraire de Léonardo. Mais quand on est en ville, on se rend compte que la petite chapelle est plantée au sommet d’une tour de près de cinquante mètres … Ils ont dû boire beaucoup de Quincy et de Vouvray avant de dessiner ce château délicieusement foutraque. 

La chapelle d’Amboise

La ville est blottie entre le château et la colline qui forme la berge de la Loire. Et on semble n’y faire que manger. Le voyageur en quête de Renaissance est grandement tenté de se régaler dans les innombrables restaurants qui jalonnent sa route et offrent des menus à l’abondance rabelaisienne. Un peu plus loin, les habitations deviennent troglodytes et au bout du chemin, on tombe sur le Clos Lucé, le Sam Suffit de Lenny da Vinci. On peut y voir tout ce que le génial inventeur n’est pas parvenu à fourguer à ses mécènes divers. Amboise,  c’est la ville à ne pas manquer si l’on veut se frotter à l’inventivité de la Renaissance.

Chenonceau

Cap sur Chenonceau. Traversée de campagnes défigurées et, soudain nous pénétrâmes dans l’écrin de nature qui embrasse le château. Autant Chambord s’impose en grandiose, autant Chenonceau se pose en précieux. On le voit d’abord par la tranche, petite merveille d’harmonie. Puis, seulement si on s’éloigne, on découvre la longue partie construite sur le pont et qui semble n’avoir jamais été achevée. Cette longue partie du château est faite de deux galeries superposées, qui servirent d’hôpital, peut-être de salles de bal, elle n’est là que pour s’exposer à l’admiration des visiteurs. Entouré de jardins de la Renaissance, de champs de fleurs qu’une jeune femme assemble en de somptueux bouquets, ce château est un songe.

Nous avons renoncé à Chaumont, entrevu en passant, à Azay le Rideau que nous connaissions déjà et à Cheverny qui fait penser à Tintin. Nous voulions voir Loches. 

Un petit détour par Tours nous montra une ville écartelée entre un décor de ville pieuse et provinciale à l’ennui propret et son envahissement par les étudiants et toutes sortes de gens bien décidés à vivre leur vie dans la diversité des arts et cultures. C’est comme l’huile et le vin, ça a du mal à se mélanger. D’autant plus que la ville est cernée par une banlieue hideuse.

Loches, c’est une ville plus qu’un château et ce n’est presque plus la Loire. Mais c’est un village étrange, une église étrange, un donjon inquiétant (merci Louis XI) et une plongée dans un Moyen Âge finissant revu par Viollet le Duc. C’était jour de marché et nous y achetâmes des artichauts. 

En définitive, le val de Loire est une juxtaposition de merveilles un rien espacées, souvent dissimulées derrière de hautes haies. Avec un peu de malchance, on peut traverser toute cette région sans rien voir de ses beautés. Ces lieux d’exception sont malheureusement assiégés par un environnement déprécié, triste et dont on rêverait qu’il prenne conscience de son unité, de son rôle au sein de l’histoire humaine.  

Et maintenant, voici la même chose en images …

Rouen : la ville cathédrale

Pourquoi écrire sur Rouen plutôt que sur Chartres, Lyon ou Strasbourg quand on a l’habitude de s’exprimer sur Venise, Hanoï et Saint Pétersbourg ? 

Rouen est une ville dite de moyenne importance située à une heure de Paris. Autour de Paris aussi, à des distances comparables, on trouve d’autres villes que l’on pourrait comparer à Rouen. Et pourtant Rouen est unique. Pourquoi ?

Contrairement aux autres villes situées à cette distance, Rouen a le double caractère d’être médiévale et moderne, monumentale et familière, diverse et homogène. Au fil des ans et des restaurations, Rouen a su intégrer à un tissu monumental et architectural ancrés dans le Moyen Âge une activité artistique créative et pleine d’humour. Rouen a échappé à cet encensement. Chartres ne vaut que pour sa cathédrale et nous fait sombrer dans son ennui beauceron. Provins, Compiègne ou Beauvais sont tout aussi assoupie dès que l’on s’éloigne de leur coeur touristique strictement circonscrit et souvent dissocié de la ville elle-même qui vit sa vie autre part. Tout y est en ordre, on vient voir, puis on s’en va. Tel n’est pas le cas de Rouen qui, à l’instar de Bordeaux, Strasbourg ou Lyon, entremêle son patrimoine architectural et historique avec sa vie quotidienne.

Rouen, ce ne sont pas moins de trois cathédrales gothiques qui se dressent à quelques pas les unes des autres, mais c’est aussi une multitude de restaurants de tous les exotisme, une foultitude de boutiques aux artisanats étonnants, une mosaïque de gestes créatifs plein d’humour sur la nature du lieu. Rouen est une ville amusée d’être à ce point historique. 

Tour le centre ville est piétonnier, repoussant les voitures à quelques axes et passages obligés. Du coup, on se prend à oublier leur présence et à se promener à pied dans le tissu dense des rues bordées de maisons ventrues aux colombages et encorbellements hasardeux et romantiques.

J’ai découvert Rouen il y a plus de cinquante ans. C’était une ville noire, marquée par l’industrie, lacérée par les traces de la guerre. L’étroitesse des rues qui nous charme aujourd’hui les rendait impraticables du fait des voitures. Tout était sombre, ennuyeux, un rien hostile au gamin que j’étais. 

Puis, au fil des ans, cette ville a été restaurée, s’est emparée de son patrimoine pour l’embellir, mais surtout y vivre. Plutôt que de le momifier, elle s’en est amusée, l’a rendu familier, vivant.

Rouen bénéficie d’une lumière océanique aux tons marqués et aux nuances changeantes. Monet ne s’y était pas trompé en peignant quarante fois la façade de la cathédrale. Et, aujourd’hui encore, cette façade surprend par le jeux de ses couleurs et de ses lumières que l’on découvre à chaque fois qu’on lève le nez.

Pourtant, tout n’est pas parfait, loin de là. Tout d’abord, il faut bien reconnaître que la reconstruction des années 50 et 60 a laissé d’affreuses empreintes dans le tissu authentique qui avait survécu à la guerre. Plus tard, les reconstructions se son prises à mimer les vraies maisons anciennes, avec plus ou moins de bonheur. Mais, in fine, la ville a digéré ses influences, jusqu’à intégrer cette étrange église, délire des années 70 qui encombre la place du Vieux Marché, en se voulant métaphore d’un feu. C’est vrai que Jeanne d’Arc est partout dans Rouen, ville où elle s’est pourtant contentée de brûler …

Tout n’est pas parfait non plus dans ce qui entoure le centre ville historique. À peine sortis de ce coeur, on retrouve un mélange de rue grises et voies rapides gérées comme des spaghettis par les Ponts et Chaussées. Si le coeur est charmant, l’enveloppe est bien triste, sans égard pour l’harmonie de la ville. 

Rouen est bâtie au bord de la Seine, mais elle lui tourne le dos. La Seine, ce sont des ponts inaccessibles, un port qu’on ne voit pas, des voies express infranchissables. Qui est au coeur de Rouen peut ne jamais voir le fleuve. La Seine qui ouvre là son estuaire et fait de Rouen une ville maritime, la Seine qui rappelle à Rouen ses origine Viking, la Seine est repoussée au loin, ignorée, mal aimée. Même si l’on célèbre la marine à voile sur les bords de la Seine chaque année, à Rouen, le fleuve est vite oublié et sert d’obstacle, de rempart, de frontière éloignée. La ville serait tant grandie de s’en rapprocher, de l’accueillir dans son tissu palpitant.

Puis, plus loin, l’industrie a installée ses puanteurs et ses laideurs le long du fleuve qui, parfois viennent empoisonner la ville en toute impunité, c’est peut-être la raison de ce désamour qui déprécie la cité.

Et puis on revient dans le centre, on se perd dans les rues, on se régale dans les restaurants dont certains sont si anciens qu’ils l’étaient déjà quand Jeanne est passée par là, on s’installe aux terrasses où des moineaux intrépides picorent les miettes, on se promène parmi les enseignes et les devantures inventives. On fait la conversation avec les Rouennais qui aiment leur ville et aiment à vous l’expliquer. La Couronne, restaurant fondé en 1355, côtoie des barbecues coréens et des estaminets vegan et macrobiotiques. Une droguerie ancestrale fait voisinage avec une gadgeterie japonaise. Les bikers en Harley côtoient les familles paroissiennes. On y fait aussi beaucoup la manche, parfois même avec du talent. Une vraie ville, quoi. 

Je n’avais jamais passé la nuit à Rouen, maintenant, c’est fait et je ne suis pas déçu ;

L’esprit de Rouen, c’est d’avoir installé une école des Beaux Arts dans un cimetière en plein air (l’Aitre Saint Maclou), un goût pour le recyclage créatif plutôt que l’encensement mortifère.

Son et lumière devant la cathédrale

La nuit, Rouen ne s’endort pas, si les rues se vident peu à peu, les lumières magiques et les bars et restaurants restent actifs, joyeux, pleins d’une vie riche en bonne humeur.

Contrairement à bien des villes du pourtour de Paris qui s’assoupissent autour de leur cathédrales, de leurs tours médiévales, de leurs palais et de leurs colombages médiévaux, Rouen à choisi de vivre et de s’amuser au milieu de son passé et de se créer une véritable identité. C’est ce qui la rend unique à mes yeux. Lorsque, depuis chez nous, dans les Yvelines, nous considérons l’idée d’aller « en ville », nous avons le choix entre Paris et Rouen qui nous demanderont chacune une heure de route et de transport. Nous choisissons souvent Rouen …

Vacances aux Îles Grecques

Cela fait plus d’un mois que nous vivons confinés, habités de la certitude que nous ne sortirons pas de sitôt. Malgré notre jardin et la tranquillité de notre vie de retraités pleins d’imagination, la nostalgie nous visite des horizons lointains, des dépaysements magiques que nous offrait la vie.

C’est ainsi que m’est revenu le souvenir délicieux des îles grecques.

Skiathos, Mykonos, Alonissos, Andros, Skopelos. Ce sont les îles grecques, des paradis  saupoudrés au gré du vent au coeur de la Méditerranée, entre la Grèce et la Turquie.

Pendant plus de quinze ans nous sommes partis pour ces îles, surtout Skiathos où notre ami Thomas nous louait sa jolie maison d’architecte. Nous y allions avec nos filles et avec Sophie pour y passer de longs séjours entre le soleil et la mer. 

Nous avions, là-bas, un gros 4×4 multicolore dont nous avions retiré les portières. Toute l’île savait que nous étions là car notre voiture nous annonçait. Au fil des ans, nous étions devenus familiers de l’ile et on nous accueillait en amis.

Chaque plage avait sa taverna, chacune différente de sa voisine. Certaines étaient des cantines avec des bancs, d’autres étaient de petits restaurants traditionnels, d’autres des lieux branchés, new wave.  Nous y buvions de l’ouzo en rajoutant à nos verres de l’ouzo que nous avions apporté en cachette. Nous appelions ça le « miracle ». 

Nous adorions aller au bout de chemins cahoteux vers des plages perdues où un pêcheur avait bâti son estaminet de plage où séchaient  des poulpes sur les traverses de bois. Une radio criaillait des chansons grecques et plaintives. On y croquait des mezzes  en buvant du résiné.

Le jour de mon anniversaire, Costas nous amenait sur la côte avec son bateau. Dans une taverna de la côte, des pêcheurs nous attendaient avec des langoustes dans des sacs en plastique… Nous les dévorions toutes, Costas dévorait tout ce que nous ne mangions pas, surtout la tête !

Quand nous repartions, dans le petit avion qui nous ramenait à Athènes, Jackie, invariablement, pleurait.

Skiathos était notre île de rêve, entourée de plages, de dauphins et de quelques méduses. Nous attendions pour aller en ville que les paquebots et leurs troupeaux de touristes hébétés aient levé l’ancre. Alors la ville était à nous, tranquille, pleine de musique jouée aux coins de rue, répandant ses parfums délicieux dans la nuit tiède.

Aujourd’hui, nous rêvons de retourner sur notre île, mais les filles ne seront plus là pour s’émerveiller et les souvenirs joueront à nous faire regretter le passé. Nous finirons bien par céder !

Voici quelques images de cette époque merveilleuse :

Puissent ces petits bonheurs éclairer votre confinement …

The World in my Dreams

Au commencement existait la photo argentique. Il fallait tout calculer à l’avance et prendre soin de son cadrage. On devait toujours se souvenir que chaque déclenchement coûtait cher et que les pellicules ne contenaient au mieux que 36 vues. On devait attendre son retour pour pouvoir constater qu’on avait réussi ou raté ses photos. Bien des instantanés saisis dans l’instant se sont révélés au retour de tristes clichés mal cadrés, mal exposés et encombrés d’un passant inopportun…

Puis a surgi la photo numérique que tout photographe un peu expert a vilipendé avec mépris. Il n’est pas de personne plus conservatrice qu’un photographe ! Il en est encore à proclamer que rien ne vaut ce bon Kodachrome, voir cet excellent Tri-X. Le numérique a immédiatement apporté deux solutions décisives aux problèmes de photographes : Le nombre de clichés n’était plus limité et on pouvait vérifier dans l’instant si la photo était réussie. Le capteurs  et les cartes de mémoires étaient les seuls points noir de ce progrès, Mais, au fil des ans, tout ceci a changé et les moindre capteur dépasse facilement les capacités des meilleurs films et les cartes sont capables de stocker des montagnes de photos.

Puis sont apparus les logiciels de traitement de l’image, en particulier l’incontournable Photoshop, qui ont permis d’apporter aux photos brutes les améliorations nécessaires à leur qualité. Grace à ces logiciels et un peu d’entraînement, on a pu améliorer considérablement les photos qui se sont affranchies très largement des contraintes de l’instant de la prise de vue.

Un dernier pas est franchi avec les innombrables applications associées aux tablettes. L’utilisation et la combinaison de ces applications élimine toutes les limites de l’imagination. Grâce à ces applications la photo devient image. La réalité saisie à la prise de vue n’est plus qu’un point de départ pour celui qui cherche, comme moi, à composer des images à partir d’éléments réels, mais objets de toutes les formes de créativité.

J’ai bourlingué un peu partout sur cette planète, découvrant au fil des ans de nombreux pays aux atmosphères, cultures, climats forts et différents. 

J’ai, pendant près de trente ans, été un habitué de l’avion de sept heures, celui que prennent ceux qui travaillent « à l’international », c’est à dire qui doivent arriver quelque part en Europe pour la réunion de neuf heures… et plus loin pour celle qui commence en début d’après-midi. On les reconnaît bien dans, les aérogares, à leur costard et leur « attaché case ». Ils sont seuls, pressés, fatigués et de mauvais poil. Chaque matin, de partout, partent partout des avions bourrés de ces types en gris. arrivés à destinations, ils sautent tous dans des taxis qui les mèneront à leur réunion dans une salle aveugle dans un immeuble bien propre, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à tous les immeubles de bureau. Et ils rentreront au soir par le même genre d’avion.

Et je voyageais dans ces avions. Mais j’essayais toujours de faire l’école buissonnière et de m’échapper vers la beauté des villes mystérieuses qui entouraient les immeubles de bureaux. Les gens avec qui je travaillais partageaient la même curiosité pour la magie du monde. Cela s’ajoutait bien sûr à tous les voyages pour le voyage. Mais je n’aurais jamais pu voir autant le monde qu’en m’évadant des innombrables trajets d’un jour au milieu des hommes en gris.

C’est ainsi que j’ai parcouru l’Europe :

Je suis allé aussi beaucoup plus loin :

Chaque pays, chaque contrée, chaque ville, chaque moment engendre des émotions qui sont autant de filtres de la réalité. La prise de vue permet de saisir et même de mettre en valeur cette valeur imaginaire, mais c’est au traitement que l’on peut ajouter, dilater et transformer cette valeur émotionnelle pour la conduire dans l’onirisme. 

J’adore me livrer à ce jeu qui se perfectionne au fil des ans. Travailler, transformer, amender, détourner, tricher avec le réel me permet de parler de mes rêves, de ces univers que l’on découvre en dormant, qui ressemble énormément à la réalité, mais qui ne l’est du tout non plus. J’essaie de faire des images venues de mille endroits dans le monde l’expression de mes rêves. Il m’arrive parfois (rarement) d’emprunter des images qui existent, prises par d’autres, mais qui me touchent. Je les altère, les modifie, y introduits des éléments qui les font échapper au réel. C’est une façon de créer un monde poétique en résonance  avec ce que m’inspirent les lieux.

On me dira que les collages et les trucages existent de longue date et que les surréalistes jouaient énormément à cela. Les dictateurs aussi. On comprendra que ce que l’on peut faire aujourd’hui est différent dans la facilité de créer l’illusion dans des profondeurs inaccessibles il n’y a pas 20 ans.

Entre les photos qui s’attachent à rendre la beauté et la magie du réel et les images qui nous entraînent vers le monde des rêves se dessine la différence entre présenter et représenter. Dans le premier cas il s’agit de se plonger dans l’essence du réel, dans le second il s’agit de s’évader de ce même réel. Il arrive même que les deux processus finissent par converger dans une même émotion. Toutefois la photographie traditionnelle, dans sa volonté de pénétrer dans la nature profonde des choses, procède par métonymie, par désignation de ce qui résume la chose. L’image onirique procède de l’inverse, échappant à la comparaison, elle s’évade dans vers l’arbitraire de la métaphore qui ne relève que de la complicité entre l’auteur et celui qui regarde.

Autant dire que les deux procédés sont respectables, mais que nous nous intéressons ici au second qui fait vibrer la corde du rêve.

Voici une sélection d’une centaine de ces images choisies pour leur diversité de lieux et d’interprétation graphique.

Cités Magiques

Toute ma vie j’ai fait de longs voyages.

Tout autour du monde, j’ai mis le pied dans des villes prodigieuses qui ont bercé mon imagination par leur paysages et leurs ambiances singulières.

J’ai vu New York, Moscou, Tokyo, Hanoï, Londres, Berlin, Stockholm, Athènes,Bruxelles, Dakar, Madrid, Istanbul, Rome, Oslo, Dublin, Lisbonne, Zurich, Prague, Amsterdam, Vienne, Budapest, Varsovie, Vancouver …

Et je ne parle là que des capitales, des villes majeures. Il faudrait aussi parler de Séville, de Florence, d’Edimbourg, de Cologne et de Linz ou Marseille, de Bruges ou de Ségovie, de Lyon ou de Lucerne, de Luxembourg ou de Lille.

Comment taire ma passion pour New York, mon amour pour Hanoï la douce, pour Athènes et Vancouver ? Et j’aime Paris, ma ville, sa beauté, son mauvais caractère !

Cependant, il existe deux villes qui font plus que cela. Deux villes qui vous coupent le souffle quand vous y mettez le pied, deux villes qui sont les mythes d’elles-mêmes. Deux villes sortie de la folie et du génie humain, deux villes qui se sont faites contre la nature, deux villes improbables et fabuleuses.

Ce sont Venise et Saint Pétersbourg. Toutes deux se sont construites là où il était inimaginable de créer une ville. Toutes deux sont des cités surgies de l’eau et des marais. Toutes deux on fait et font encore rayonner le génie et la démesure des hommes.

Je les illustre ici par un choix de photos panoramiques qui mettent en valeur l’aspect « plein les yeux » plutôt que l’intimité, parce que cette dernière, il faut y aller pour la connaître.

VENISE

C’est la cité de toutes les émotions, de tous les excès, de toutes les imaginations. Sublime dans son délabrement et ses renaissances, Venise vous saisit et vous porte hors de votre monde dans le tourbillon éblouissant de son histoire.

On y arrive et tout est tout de suite familier, on se fond dans la cité, on ne se lasse pas de se perdre dans les venelles et les petites places. Quand on a esquivé les troupeaux de touristes hagards qui se tassent dans une seule rue, on se trouve en la seule compagnie des chats et des mille fantômes d’une histoire étincelante.

Venise n’est italienne que par la main gauche. C’est d’abord une cité qui fait le pont entre l’Orient et l’Occident. Byzantine et baroque, elle exhale des secrets et des étrangetés à chaque coin de rue. Silencieuse car sans voiture, elle fait place à la musique, aux bruits de la vie, au silence.

Après trois semaines en plein carnaval, voici un nouveau jeu de panoramas sur Venise et ses environs …