Approche systémique de la réalité

Décrypter la réalité du langage, identifier la vérité du vécu, abattre les masques de la représentation de soi, lever les voiles de la pudeur d’un monde de consommation semé d’incongruités et de rituels abscons. Voilà le Graal du marketing.

Cela a commencé quand j’ai pu constater que les gens qui étaient sensés me raconter leur vraie vie, leurs vrais jugements, leurs vrais rêves, me mentaient sans discontinuer et, probablement, sans s’en rendre compte.

MENSONGE ET CONFORMITÉ DANS LES ÉTUDES QUALITATIVES

Pendant près de quarante années, j’ai pratiqué le métier des études de marché qualitatives. Ça fait un sacré bout de temps.

Au départ, je tenais pour acquis qu’on pouvait se satisfaire de ce que disaient les interviewés ou les participants à des groupes. Surtout quand on les interrogeait sur leurs habitudes, leurs opinions, leurs réactions à une nouveauté. Eh bien non ! Ils n’arrêtaient pas de mentir. Même les enfants !

Je me rappelle avoir travaillé avec un ethnologue qu’on avait chargé d’étudier ce que les enfants disaient, pensaient, aimaient faire pendant leur « temps libre ».

Pour faciliter les choses, il avait opté pour faire parler les gosses par petits groupes de bons amis, de trois à cinq bambins de six à neuf ans.

Les premiers entretiens nous révélèrent une réalité enchantée :

« le temps libre, c’est quand je suis avec ma grand-mère et que nous allons au jardin.

  • le temps libre, c’est quand je joue avec mes poupées / mon garage / mes figurines.
  • Le temps libre, c’est quand je regarde la télé / je joue avec ma console.
  • Le temps libre, c’est quand je vais courir avec papa autour du lac / fairedu vélo avec mon grand frère.
  • Le temps libre, c’est quand je lis des livres tout seul dans ma chambre.
  • Le temps libre, c’est quand j’aide maman à faire des gâteaux … »Vous en voulez encore ? Mon ami ethnologue et moi-même conclûmes que notre client ne nous paierai jamais pour de telles fadaises.Il décida alors de jouer d’un subterfuge. Les entretiens de bons amis continuèrent comme avant. Le magnétophone étant posé bien en évidence sur la table. Puis, au bout de cinq à dix minutes, l’enquêteur déclarait qu’il devait s’absenter pour quelques minutes. Il éteignait ostensiblement le magnétophone et quittait la pièce. Pendant ce temps là, un second magnétophone bien caché continuait à enregistrer, cela pendant quinze à vingt minutes.

Les poupées, les balades en vélo, les gâteaux avec maman disparaissaient immédiatement. Nous plongions soudain dans un monde sauvage où s’organisaient :

  • les jeux de pouvoir, qui domine qui entre les bons petits amis, avec des épreuves plus ou moins barbares
  • l’ennui et le goût très marqué pour ne strictement rien faire (glander)
  • Fouiller et s’amuser des affaires plus ou moins cachées des adultes
  • Organiser des aventures et de mauvaises blagues
  • Se challenger sur des activités interdites, dangereuses ou bizarres.

Notre client, un organisme social très bien pensant, fut scandalisé par nos résultats et tenta par tous les moyens d’édulcorer nos propos.Quelques années plus tard, une de mes filles fut invitée par un confrère belge à évaluer de nouvelles poudres chocolatées. Ce confrère, sosie de Balou, l’ours de Disney, avait inventé une méthode « ludique » pour lever les inhibitions des enfants. Ma fille fut donc introduite dans une salle bourrée de caméras avec plein de jeunes femmes souriantes. Pendant une demi heure, elle dût gouter des boissons chocolatées et répondre aux gentilles jeunes femmes :

  • « Oui, celui là est bon
  • celui là est meilleur
  • celui-là est un peu moins bon
  • ah, celui là, c’est celui que je préfère ! »

Au bout d’une demi-heure elle ressortit et vint me retrouver dans la salle de visionnage :

« Alors ?

– C’était dégueulasse ! »

Pourquoi n’avait-elle pas dit la vérité ? Elle ne voulait pas les vexer et elle avait déjà compris qu’on vous pose moins de questions quand on est d’accord. Il est toujours plus économique de consentir.

Lors de nombreuses réunions de consommatrices que mon métier m’amenait à animer, je constatais la forte pression de conformité qui s’exerçait entre les charmantes dames invitées à décrire leurs habitudes. L’une d’elle, qui déclarait ouvrir les boites de camembert pour vérifier avec le doigt s’il était moelleux, s’attira des autres un « Mais madame, c’est comme ça qu’on attrape le SIDA ! »

Je finis par comprendre que les méthodes classiques de recueil de données avaient d’excellentes raisons d’être remises en question.

Beaucoup de chercheurs ont tenté de contourner ce type de difficulté par des méthodes créatives, partant du principe selon lequel, si l’interviewé ne sait pas quelle est la bonne réponse, il ne peut pas mentir. Ce qui a pourtant

souvent donné, d’après une de mes bonnes amies, experte en créativité, les roses pour les filles et les bleus pour les garçons.

La pression de conformité (il faut être dans la norme pour être admis), l’économie du consentement, l’inhibition des singularités, sont des facteurs de protection lorsqu’on se trouve face à une autorité, quelle qu’elle soit. Les méthodes non directives n’apportent pas plus de réponse à ces problèmes car la pression pour exprimer la norme l’emporte presque toujours sur le besoin de se distinguer.

Il fallait trouver un moyen de contournement …

L’ANALYSE SYSTÉMIQUE

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les services de renseignements américains firent appel à des chercheurs en psychologie, dont Gregory Bateson. Leur but était de démasquer les mensonges des Allemands et des Japonais et de les désinformer en leur sapant le moral.

Cela donna un souffle nouveau au courant behaviouriste et fut à l’origine du collège invisible de Palo Alto animé par Don Jackson Paul Watzlawick, Ray Birdwhistell.

Ces chercheurs, après la guerre, se réorientèrent sur les pathologies du comportement et de la communication. Un des adages de cette discipline était « Language Makes The World Go Wrong ».

Pour ces chercheurs, l’hypothèse première était qu’on n’est jamais fou tout seul, que la folie se construit dans une altération des interactions qui se manifeste de la manière la plus explicite dans le langage. Mettre des mots sur un problème, ça aide beaucoup pour comprendre.

Plusieurs principes sont au fondement des approches systémiques :

  • On ne peut pas ne pas communiquer, ce qui signifie que même en faisant tout pour éviter le contact, le contact se fait quand même, indépendamment de notre volonté.
  • Un message émis à travers le langage, quand il comporte un point essentiel / litigieux / problématique se traduit également à différents niveaux, dans le regard, la gestuelles, la transpiration, le rythme cardiaque, … le détecteur de mensonge, vous connaissez ?
  • Les conflits ne grandissent pas du fait de celui qui a commencé, mais dans le feed-back positif de l’échange qui autoalimente le conflit. Chacun en remet une couche à chaque échange et le conflit passe de mineur à apocalyptique.
  • On ne peut sortir du conflit qu’en opérant un décadrage, c’est à dire en changeant brutalement une rupture, une injonction paradoxale, un changement de rôle.
  • La folie naît de l’impossibilité de résoudre une situation paradoxale, sans issue, qui devient une obsession, une interdiction de vivre.
  • Le pourquoi n’est pas aussi important que le comment. La cause de bien des problèmes est dérisoire alors le processus de développement de la pathologie est essentiel et doit être identifié, désamorcé.

Si le langage n’est qu’un aspect du champ de la systémique, il en est l’un des plus importants, le principal vecteur de la relation triangulaire entre le patient, le thérapeute et la troisième personne qui est vécue comme source du problème (le patron, le conjoint, l’autre).

La lecture des ouvrages des chercheurs de Palo Alto est passionnante. Elle fait grincer des dents aux psychanalystes qui tendent à penser tout le contraire et qui détestent leur intelligibilité lumineuse.

Ces principes permettent de mieux appréhender les attitudes, les comportements et les opinions des consommateurs. Comment opérer un tel décadrage que l’interviewé, le participant ôte son masque pour nous révéler sa vérité.

Le principe de base de la systémique telle que je l’ai appréhendée et adoptée, car on pourra m’objecter qu’il s’agit d’une discipline bien plus vaste ou aussi que c’est un des piliers de la manipulation des esprits, c’est que l’on recrée les conditions d’une expression sincère et véridique. Je ne parle pas de vérité, mais de la vérité de ce que pensent les gens.

Le bon sens nous dit souvent «mets toi donc à sa place!» et ce bon sens a fichtrement raison. Quand le psychiatre demande à son patient « que pensait- il quand il vous a dit ça ? Essayons de voir ce qui l’a poussé à vous le dire et ce que vous auriez ressenti quand il vous aurait répondu ce que vous lui avez dit ». Il s’agit de renverser les rôles et mettre en évidence les effets du feed back positif, de l’amplification du conflit. Le feed-back positif, c’est quand un processus tourne en boucle en s’amplifiant du fait qu’il s’auto alimente. Songes, par exemple, à une conversation entre deux automobilistes mécontents.

Le principe de la thérapie systémique est de casser le cercle vicieux et le tourbillon cesse d’être alimenté. En prescrivant une conduite paradoxale qui rend impossible l’assouvissement du fantasme, le renforcement de la phobie, le sujet n’est pas guéri, mais il contourne son problème et arrive souvent à s’en dégager ou à l’intégrer.

En psychiatrie, cela peut passer pour une rustine, un tour de passe-passe thérapeutique. Mais j’ai pu constater souvent que cela évitait de s’enfoncer dans des problèmes sans fin dans la vie quotidienne. Cela peut quand même faire l’économie de décennies de divan.

Mais les réticences que l’on a pu développer face à la systémique dans le monde de la thérapie n’ont pas les mêmes résonnances quand il s’agit simplement de savoir ce que veulent vraiment les consommateurs, de ce qui constitue le fond de leur vision des choses.

LA TRIANGULATION (LE PRINCIPE DE BASE)

Ivanka était une belle Croate qui travaillait avec moi dans les années 80. Elle haïssait d’être traitée de Yougoslave… C’est avec elle que j’ai mis au point une technique d’entretien dont les résultats étaient stupéfiants.

Cela commençait de manière classique, avec une enquêtrice qui interrogeait une ou deux consommatrices avec une technique plutôt rudimentaire : elle posait de façon insistante des questions sur le produit ou la publicité que nous testions, ou sur le sujet qui nous intéressait. Cette insistance avait surtout pour but d’imprégner les participantes de l’objet de l ‘entretien. L’enquêtrice s’inquiétait du retard d’une dernière participante.

Enfin, celle-ci arrivait, confuse et pleine d’excuses, avec un cabas dont dépassaient des poireaux (pas indispensables). L’enquêtrice déclarait qu’elle devait aller régler un problème administratif et quittait la pièce.

Ivanka (qui me rappelait souvent qu’elle avait dû passer une maîtrise de psychologie pour passer pour une ménagère obtuse), demandait à la ou aux autres participantes de la mettre au courant de l’entretien. Elle devait sembler un peu idiote, au moins lente, car elle ne comprenait pas toujours très bien ce qu’on lui expliquait et l’accent croate était une arme redoutable.

Grâce à sa curiosité et à ses questions naïves, les autres consommatrices lui expliquaient gentiment tout ce qu’elle devait savoir.

Quand l’enquêtrice officielle revenait, il lui suffisait de poser des questions de routine et clore la session.

Cette méthode, qui était pourtant filmée, a fait se dresser les cheveux sur la tête de bien de mes clients car, à l’instar des bambins, les ménagères révélaient une réalité très explosive quand elles ne pensaient plus être en représentation ou obligées de bien répondre face à l’enquêtrice experte.

Là encore, il arriva souvent que le client, qui observait le spectacle, fut fâché de ce qu’il voyait. Mais il avait vu …

Le principal problème posé par la triangulation telle que je l’avais mise au point, c’était que j’avais absolument besoin du talent d’une Ivanka. Et Ivanka avait des ambitions plus vastes que mes jeux malicieux.

LA TRIANGULATION (MÉTHODES DÉRIVÉES)

Il fallut bien renoncer à Ivanka et élargir la méthode à des problématiques plus vastes. Pour y parvenir, il convenait d’en revenir aux bases méthodologiques et aux principes de la systémique.

Cela donna naissance aux groupes triangulés et aux entretiens observationnels.

GROUPES TRIANGULÉS

Les groupes triangulés, que j’ai amplement développés dans le domaine médical, consistent à informer un ou plusieurs médecin(s) d’un argumentaire, d’une explication ou d’une théorie.

Dans un second temps, les médecins informés restituent le plus fidèlement possible, et surtout sans prendre parti, l’information aux confrères non informés.

Dans le troisième temps, les confrères peuvent poser des questions, contester le message. La systémique nous dit que les « informés » défendront ce en quoi ils croient vraiment et cèderont sur le reste. C’est là que l’on apprend la vérité.

Parce que le client veut plus de détail, on procède ensuite à un test classique …

Pendant de nombreuses années, cette méthode a permis de faire le point sur de nombreux argumentaires médicaux.

Pour rendre le message intelligible, j’avais inventé deux outils :

les big letters et la matrice d’innovation.

Cette méthode a été largement dévoyée par des gens avides de profit et parfaitement ignorants des principes qui la gouvernaient. Le mainate répète sans comprendre tant qu’on satisfait son avidité.

ENTRETIENS OBSERVATIONNELS

Une autre approche de la réalité sans fard, c’est d’observer dans la vie réelle.

Comment conduisez-vous votre voiture, lavez-vous votre linge, cuisinez-vous vos repas, bricolez-vous ?

L’enquêteur utilise une caméra et se fait tout petit. Je n’utilisais que des enquêteurs gentils, neutres, sans danger. Et la question unique était : « et là vous faites quoi ?». Encore une fois, pour être tout doux tout gentil, il faut savoir y faire.

Les entretiens observationnels reposent sur un principe simple : mis en situation d’être observé par un enquêteur naïf qui ne pose aucune question dérangeante, la personne observée met en scène sa vérité.

LE DERNIER DÉCADRAGE

Les entretiens observationnels m’ont permis de transmettre à des grandes multinationales des informations essentielles sur la réalité de la vie des consommateurs.

A plusieurs reprises, je m’étais rendu compte que le marketing des entreprises était à mille lieues de la réalité de la vie. J’avais découvert que les marketeux internationaux d’une grande multinationale ne savaient rien du petit déjeuner français, sinon par des pourcentages. Je les réunis un matin

avec des bols, des croissants et du café au lait. Et je leur fis découvrir qu’on trempait le croissant dans le café au lait. Arrêt de l’idée d’un beurre à l’huile d’olive : c’est pas bon !

Si on se réfère à la norme sociale, un responsable marketing, même s’il s’agit d’un sous-scaphandrier trompette, est une sorte d’autorité. Donc il faut neutraliser cet aspect. Par conséquent, je le transforme en enquêteur naïfs qui doit filmer un sujet simple : la boite à outils, le placard, le bac à linge, le rangement de la bouffe.

En général, ils est affolé mais ils se tient au protocole et obtient sans effort la quintessence de l’observation : « faites quelque chose avec ces instruments / ces produits ».

Le plus grand intérêt de ces approches, c’est la surprise de ceux qui les ont réalisées sans aucun intermédiaire, en rupture avec les convictions ambiantes. Tous ces gens, immergés dans leur activité professionnelle, au cœur de tours anonymes, découvraient l’étrangeté, l’exotisme des humains normaux.

Sans égard pour l’analyse, les professionnels observent, se passionnent pour les étrangetés des observations. Quand une objection survient, la réponse est : « mais tu l’as bien vu !!! »

En envoyant des chefs de produit, des responsables marketing , observer et filmer la réalité du monde de leurs consommateurs, sans aucune protection ni aucun guide ou interprète, ils en reviennent comme des explorateurs qui ont triomphé de la jungle, comme des missionnaires touchés par la grâce.

Il faut bien avouer que la notion de triangulation est nettement mise à distance au profit de nouvelles formes d’investigation qui esquivent l’influence du couple question/réponse et son cortège de faux fuyants.

LA CONCLUSION PARADOXALE

France Culture a bien essayé de transformer ma recherche en une entreprise cynique et antisociale. Mais au bout du compte, je me demande toujours ou se trouve la vérité de ceux que j’interroge.

Il y a quarante ans, pour obtenir de l’information sur les anti-nucléaires, mon vieux copain me fit passer pour un con vendu au lobby atomique. Des heures durant, je fus abreuvé d’explications qui firent le miel de l’EDF.

L’autorité de l’observateur est sa faiblesse ultime.

Les approches systémiques reposent sur une mise en évidence des paradoxes, des incongruités, des altérations de la réalité liées à la position de celui qui parle.

Au bout du compte, la recherche de la vérité se heurte au contexte, aux normes sociales et pulsions sociales de l’énonciateur.

Au fil des années, j’ai constaté que la réalité bizarre ou choquante de ce que l’on observait était tenue pour insultante, irréaliste, négligeable par ceux qui refusaient la réalité des observations que nous avions menées.

ET MAINTENANT

Cela fait de nombreuses années désormais que j’ai quitté le monde interlope du Market Research.

Les réseaux sociaux ont engendré un univers de représentations que l’on veut prendre pour la réalité, qui tiennent lieu de vérité.

On a fortement l’impression de se révéler sur ses réseaux sociaux favoris, quitte à dévoiler ses secrets intimes. L’informatique ne triangule pas, elle engrange des données sans en connaître le sens. Cela signifie que les données n’ont pas d’intention. Chacun déverse ses données sans avoir la moindre idée des intentions de ceux qui les reçoivent, de ce que deviendront leurs images, leurs déclarations.

L’aspect le plus frappant de ce phénomène est le caractère désinhibant de l’expression sur un réseau où l’on se croit protégé par l’anonymat. Le besoin de se masquer, de bien répondre, d’être conforme à un modèle social est neutralisé. Pourquoi monter un scénario qui brouille la situation d’entretien quand il suffit de laisser s’exprimer les fonctions primaires de l’instinct humain sur les divers gazouillis du net ?

Il semble bien que les méthodes observationnelles n’aient plus d’utilité puisqu’il suffit de suivre des blogs et des auto-filmages redondants que l’on retrouve à l’infini sur les réseaux sociaux. En fait la situation est plutôt inversée, on ne se masque plus par conformisme, on s’expose pour se singulariser. Il en résulte une foire de comportements hyperboliques qui ne reflètent pas mieux la réalité que les propos arrondis et normés des participants à des groupes, que ce soient des ménagères ou des spécialistes médicaux.

On en arrive à une des questions fondamentales de cette problématique : Existe t’il un lien légitime entre l’acquisition d’information et la progression du bonheur pour chaque individu sur cette planète ?

Lorsque, dans les années 70, je suis entré dans le monde des études de marché, l’implication morale de la recherche était une constante idéologique et la rumeur courait de méthodes insidieuses d’influence commerciale, voire politique. Mais dans un même temps, la fascination pour les méthodes neutralisait toute réflexion sur l’intégrité des personnes interrogées. Ces questions se sont peu à peu diluées au nom de la réalité des informations recueillies. L’analyse systémique revêtait parfois un habit de méthode sournoise. En fait, elle se contentait de lever les freins à l’expression de la réalité, du vécu débarrassé des clichés normatifs.

Mais aujourd’hui, au nom de la circulation libre de l’information, au nom des bénéfices évidents de la diffusion des informations personnelles, sans masque, une immense majorité de consommateurs abandonnent leur intimité à des systèmes de traitement de données.

Ceux qui gèrent ces données (Big Data: données obèses) n’ont aucune considération pour les motivations et les processus qui contribuent à leur production et leur évolution. On dispose d’une masse de données, mais de peu de clés de compréhension car la quantité se substitue au sens. De plus, au lieu de refléter le quotidien, les habitudes, le fond de sauce de la vie, ces diffusions, ces auto-filmages, selfies et autres apparitions sur les blogs et réseaux, mettent en évidence l’exceptionnel, l’étrange, l’anormal.

Du recueil naïf des opinions à un traitement insidieux des comportements, on constate, décennie après décennie, à une gestion du consommateur au titre d’un paramètre économique. Le bonheur que j’éprouvais dans les années 80 à dévoiler la réalité des opinions et des comportements a cédé la place à une suspicion inquiète à l’encontre des instruments de contrôle et de manipulation des individus.

L’analyse systémique est née dans le contexte d’une pensée hostile et dangereuse. Puis elle a pris corps pour améliorer les relations à l’intérieur d’une société. Puis elle est devenue un agent de conformation sociale. En fin de compte, la société contemporaine a banalisé ses enseignements tout en les dévoyant. Les big data se sont substitués à une compréhensions par les nombres, par la probabilité des actes. La surveillance de tous les instants, la reconnaissance faciale qui sévit en Chine, démontre que 1984, c’est déjà du passé.

Cette désinhibition frénétique fait, en dehors de toute retenue, s’exprimer les instincts, les atypismes, les étrangetés du comportement, les opinions extrêmes et les exhibitions dénuées de tabous. La systémique ne peut plus jouer le rôle qu’elle tenait puisque le monde de l’expression s’est inversé. Dans l’idéal, plutôt que de délier le langage, elle devrait permettre de retrouver la mesure, filtrer les excès. Mais il semble plutôt qu’on se soit détaché du sens au profit d’une compréhension strictement factuelle.

Cette compréhension s’est focalisée sur les comportements, à l’exclusion des motivations réelles. Elle extrapole des comportements des principes moraux et des projets commerciaux qui neutralisent les singularités.

En fin de compte, le risque final est de transformer la recherche d’une société optimale en un projet de contrôle et normalisation de cette société qui demeurera profondément persuadée qu’elle est libre et auto déterminée.

Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !!!

OUTILS

Les Big Letters

Lors de la lecture d’un texte (en général, un argumentaire ou un concept), le participant est invité à surligner en vert les mots et expressions qu’il apprécie, qu’il aime, qu’il trouve crédibles et qui lui semblent importants. Il est aussi invité à surligner en rouge les mots et expressions qu’il rejette.

Lors du traitement, on procède au grossissement des mots du texte en fonction du nombre de fois que les mots ont été surlignés en rouge ou en vert.

Le résultat est une mise en évidence du texte en fonction de ce qui a été apprécié ou rejeté. Ce que l’on peut lire en vert au final, c’est ce qu’a signifié le texte pour les personnes interrogées. En rouge apparaissent les facteurs de rejet.

L’interprétation de cet exercice est simple: retrouve t’on ou non le message que l’on voulait transmettre, La quantité de surlignage met en évidence le caractère impliquant ou non du message

La Matrice d’Innovation

Chaque participant à l’étude est invité à donner deux notes de 1 à 10 à la proposition testée, une note de nouveauté/originalité et une note d’intérêt/utilité.

L’ensemble des notes est reporté comme des points de coordonnées sur une matrice qui permet de visualiser où se situe la majorité des appréciations.

Des notes faibles en nouveauté et intérêt sont un indice grave d’échec de la proposition.

Des notes fortes dans la seule nouveauté sont le symptôme d’un gadget à l’utilité douteuse.

Des notes fortes dans le seul intérêt sont le signe d’un manque de spécificité : C’est bien mais on l’a déjà.

Des notes fortes dans le milieu du tableau expriment une indifférence polie.

Des notes fortes dans la nouveauté et l’intérêt sont le signe d’un probable succès de la proposition.

Tout le monde rêve d’obtenir le résultat suivant :

Exemple de matrice d’innovation

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