Damien Hirst à Venise 2017

Wikipédia nous dit :

Damien Hirst est un artiste britannique, né le 7 juin 1965 à Bristol (Angleterre)1. Il vit et travaille à Londres. Il a dominé la scène de l’art britannique dans les années 1990 en tant que membre du groupe des Young British Artists. En 1995, il est lauréat du prix Turner.

Nous étions à Venise au printemps de 2017 à nous promener inlassablement dans la cité, nous perdant dans les venelles dont beaucoup se terminent au bord d’un étroit canal traversé de linge blanc qui sèche.

Pendant nos promenades, nous ne pouvions manquer de voir annoncé, sur le flanc des vaporetti, une mystérieuse exposition sur les trésors d’un naufrage …

Cette exposition se tenait dans deux palais magnifiques, le Palazzo Grassi et la Punta della Dogana.

Nous commençâmes notre visite, émerveillés par les oeuvres magnifiques autant qu’étranges qui étaient exposées.

Il nous fallut un petit moment pour nous rendre compte que tout était faux, ou, du moins, inventé. Un Mickey faisant partie de la collection nous ôta tout doute et cela ajouta à notre enthousiasme pour un tel génie créatif.

L’imitation de l’art classique antique a été un des grands moteurs des oeuvres de la Renaissance jusqu’à la fin du XVIIème siècle, période particulièrement faste pour Venise. C’est aussi ce qui en a bridé et réduit la capacité de se réinventer.

Damien Hirst s’amuse à imiter pour mieux détourner, ce qui ouvre les portes du rêve, du fantastique, de l’humour et de la folie. Dans le cadre des palais vénitiens, ce détournement de l’histoire de l’art prend une dimension supplémentaire en s’appuyant sur la synergie entre le faux et le vrai.

Le plus extraordinaire était ce géant qui occupait à lui seul tous les étages du hall immense du Palazzo Grassi, l’oeuvre et le lieu échangeant leur démesure. 

C’est un peu l’équivalent du carnaval qui joue aussi sur l’imitation et l’illusion dans un cadre authentique. 

Rien que cela fait que Venise est une ville qui dépasse le monde.

Les musées de Paris et d’ailleurs

Paris est une ville incroyablement riche en musées. Mais il s’en ouvre de nouveaux qui sont des oeuvres d’architecture autant que les écrins des trésors d’art de la ville :

COLLECTION PINAULT ET FONDATION VUITTON

L’ORANGERIE

LE GRAND PALAIS ÉPHÉMÈRE : ANSELM KIEFER

LE MUSÉE ET LES JARDINS ALBERT KAHN

LE NOUVEAU MUSÉE DE LA MARINE

LA GALERIE DE L’ÉVOLUTION

LE RAMBOLITRAIN

LE MUSÉE D’ORSAY

L’ATELIER DES LUMIÈRES

LE MUSÉE DU LOUVRE

LE MUSÉE CARNAVALET

LE SURRÉALISME AU CENTRE POMPIDOU

LE MUSÉE CERNUSCHI ET L’ART DU VIETNAM

LE MUSÉE MARMOTTAN MONET

LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE

DOLCE & GABANA AU GRAND PALAIS 2025

DU MUSÉE BOURDELLE À LA COUPOLE

EUPHORIA : UNE EXPOSITION TRÈS GONFLÉE

DOISNEAU CHEZ MAILLOL

HOCKNEY CHEZ VUITTON

LE MUSÉE GUIMET

LE MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE DE SAINT GERMAIN EN LAYE

LA FONDATION CARTIER

COLLECTION PINAULT ET FONDATION LOUIS VUITTON

La Bourse du Commerce, ce bâtiment tout rond, rescapé de la démolition des Halles de Baltard et des déserts anarchiques édifiés par des urbanistes incompétents (c’est peu de le dire), la Bourse du Commerce, donc, attendait depuis des lustres, un destin incertain qui incluait sa démolition pour vouer ce qui restait de ce quartier à une nouvelle monstruosité imbécile.

N’oublions pas que les Halles de Baltard cédèrent la place à un trou béant pendant de nombreuses années. Puis on y bâtit un forum qui n’était qu’un autre trou dans un quartier qui devenait un coupe gorge. Puis on remplaça le forum par une « canopée », monstruosité architecturale d’une lourdeur hideuse et à la couleur d’urine bilieuse. 

Aucun espoir n’était plus permis quand un milliardaire, à qui on avait refusé l’Île Séguin, jeta son dévolu sur ce bâtiment séculaire dont personne ne savait quoi faire. 

Et le miracle s’opéra. 

Faisant front aux abominations des urbanistes acéphales, la rotonde classique reprit vie et opposa la richesse de sa culture et de sa vision à l’absurde vaticination architecturale qui furoncle le coeur de Paris.

Tendant une main à Saint Eustache et au quartier Montorgueil et l’autre au Paris Classique qui rayonne autour le la Place des Victoires, La Bourse du Commerce est devenue un musée, mais aussi un chef d’oeuvre d’architecture qui n’est pas sans rappeler le musée Guggenheim de New York, jouant sur le cercle et la spirale pour mettre en scène les oeuvres présentées. 

Brusquement, c’est un sang neuf, une lumière nouvelle qui emplit ce quartier par trop longtemps tenu pour dépotoir urbain. Désormais on y vient, on ne se contente plus de passer.

Et de ce musée à la rondeur élégante, où même le béton se fait soyeux, on aperçoit le Centre Pompidou, ce renversement architectural tant décrié qui, à l’instar de la Tour Eiffel,  fait un pied de nez insolent aux ronds de cuir de la pensée qui écrasent de leur canopée de plomb le trou béant de leur esprit.

Allez-y voir, laissez-vous emporter par la magie du lieu et des oeuvres insolentes qu’on y présente, à commencer par ces sculptures faites de bougies allumées et qui se réduisent peu à peu au néant au fil des heures et des jours. Un triomphe saisissant de l’éphémère qui, dans ce lieu rescapé, donne intensément à réfléchir.

Vous pourrez aussi aller voir la Fondation Louis Vuitton dont le bâtiment de Franck Gehry navigue à pleine voile sur les flots verts du bois de Boulogne. Là encore, le milliardaire a endossé l’habit de mécène et livre à la ville et au public l’expression de la diversité de l’art contemporain dans un écrin d’exception.

FONDATION PINAULT (bis)

De retour, trois ans plus tard à la Fondation Pinault, à la Bourse du Commerce pour faire découvrir cet incroyable musée à mes petits Vietnamiens. Une fois de plus, l’expérience est fascinante. Le sol miroir transforme l’édifice en un lieu vertigineux, créant un monde inversé d’une impressionnante profondeur. Les miroirs très clairs dédoublent l’espace, on a l’impression de voler.

Deux expositions se partage le reste des galeries, provocantes, drôles et cruelles. L’audace des créateurs pousse à s’interroger avec pessimisme et ironie sur le destin du monde. On a du mal à savoir qui a fait (créé) quoi, cela n’a pas trop d’importance car le lieu lui-même se fait artiste et nous parle par les oeuvres qu’il met en scène. 

Et que serait la Fondation Pinault sans sa petite souris ?

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L’ORANGERIE

Notre promenade jeudinicale nous a menés à l’Orangerie, pour y voir l’exposition David Hockney qui passa un an de confinement en Normandie à peindre sur son iPad, sport que je pratique moi-même avec moult complaisance.

Son oeuvre déployée sur des dizaines de mètres fait écho aux nymphéas de Monet dont on constate qu’il n’y voyait plus grand-chose au crépuscule de sa vie. David Hockney a fait le pari opposé, il a peint comme un enfant avec ses gouaches numériques. 

Le musée a fait peau neuve et nous offre de belles salles lumineuses pour y voir Derain , Cézanne, Renoir et Soutine, sans compter d’autres artistes de la fin de l’impressionnisme.

Mais, le plus touchant, dans cette promenade, c’est que, dans le café du parc des Tuileries à quelques encablures de là, la serveuse semblait sortir d’un tableau de Renoir que nous venions de voir.

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LE GRAND PALAIS ÉPHÉMÈRE : ANSELM KIEFER

Le Grand Palais est en travaux. Donc on l’a reconstruit sous la forme d’un palais gonflable devant l’École Militaire, face à la Tour Eiffel.

Et dans cet immense espace quasi obscur, on y a exposé les oeuvres gigantesques d’Anselm Kiefer. Des peintures à la beauté saisissante faites de débris de nature et de matériaux divers.

Vues de loin, ces immenses toiles sont un mélange de formes, de paysages et de textes, la magnifique expression d’un monde mortifère, déchiré par la guerre, la mort, le désespoir.

On se sent minuscule au milieu de ces toiles grandioses aux couleurs chaudes et aux motifs désespérés.

L’ombre du nazisme plane dans l’oeuvre de cet artiste allemand qui s’investit dans la lutte contre l’oubli de l’horreur au travers d’une oeuvre à la beauté menaçante.

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LE MUSÉE ET LES JARDINS ALBERT KAHN

C’est l’endroit que nous avions choisi, il y a 42 ans pour nos photos de mariage.

Puis l’endroit avait été fermé pendant de nombreuses années.

Il vient de réouvrir, complètement rénové.

Les jardins ont été largement restaurés. Beaucoup des sentiers y sont quasiment impraticables pour des gens qui ne sont pas lestes et câbles de se mouvoir sur d’étroits passages encombrés de grosses pierres aussi belles que propres à se casser la margoulette.

Et c’est vrai qu’on peut se perdre dans ce parc qui ne fait que deux cent mètres de côté.

Les espaces sont difficiles à distinguer, les explications manquent. On fait attention de ne pas se fouler la cheville.

Le musée s’étend dans tout le parc et dans le magnifique bâtiment qui vient d’être construit.

On est tout de suite frappé par la géométrie étrange du leu.

Puis on est assailli par les innombrables autochromes exposés en transparence sur toute la surface des murs.

Mais très vite, on est débordé, perdus dans cette quantité qui n’offre aucun ordre visible, aucun choix qui fixe l’attention. Le trop plein rend le sujet invisible. Ce musée étale sans rien montrer. La pédagogie tombe à côté du sujet. On voit sans se fixer sur rien. On se lasse vite des innombrables vidéos qui parlent de tout sauf du sujet.

Il en résulte un labyrinthe mental qui irrite et finit par faire fuir. 

Au final, une muséographie aussi pédante qu’impropre à remplir son rôle d’émerveillement.

Dommage !

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LE NOUVEAU MUSÉE DE LA MARINE

C’était pendant les années 60, il y a donc très longtemps et j’étais tout gamin, mais passionné par les navires, les voiliers, les grands bateaux de guerre et les cuirassés hérissés de canons. J’allais don souvent dans ce grand musée triste, sans fenêtres où s’alignaient d’ombrabvle maquettes, parfois énormes, de magnifique bateaux, entre les murs où les peintures de batailles navales d’Horace Vernet faisaient office de fenêtres. Le musée était brillamment éclairé, ne cherchant rien de plus que de montrer le plus grand nombre de navires.

Et puis, on a restauré enfiin ce musée qui sombrait dans la poussière. La muséographie a frappé très fort, plongeant le visiteur dans un environnement crépusculaire où les navires semblent sortir du néant. D’inombrables vidéos rendnet la visite trépidante, élargissant le sujet jusqu’au cinéma. D’imenses espaces sont vides, par conséquent le nombre de maquettes s’est réduit, des vitrines nous présentent des alignements de bateaux avec des légendes quasi-illisibles.

On nous montre des extraits des Dents de la Mer, mais on ne nous montre plus la somptueuse barque royale qui faisait la gloire de l’ancien musée. Ce musée est devenu une attraction à la volonté d’impressionner. La poésie désuète de l’ancien musée s’est envolée avec la poussière. Je ne suis pas certain d’avoir adoré ce changement.

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LA GALERIE DE L’ÉVOLUTION

La première fois que je visitai le Jardin des Plantes et le Muséum d’Histoire Naturelle, c’était en 1960 … 

L’endroit était noir, sale et illisible, la ménagerie respirait la misère les collections étaient peu visibles et, surtout, pelées et poussiéreuses. C’était un cimetière de l’évolution.

Pourtant, poussé par des lectures diverses et des conseils avisés, je me suis réjoui que nous y amenions notre fille et notre petit-fils.

Nous nous sommes restreints à la seule Galerie de l’Évolution, nous réservant d’y retourner pour la serre et la galerie de paléontologie.

Le bâtiment ne dit pas grand chose tant qu’on n’y est pas entré et qu’on n’a pas gravi l’escalier menant à la gigantesque salle totalement privée de fenêtres et éclairée par des verrières dont la lumière varie d’un jour doré à une nuit bleue qui réduit les animaux exposés à des ombres.

C’est un immense spectacle d’animaux empaillés qui prend soudain vie par les habiles mises en scènes de leur exposition.

Bien entendu, à l’instar de beaucoup de musées contemporains, les concepteur ont opté pour une semi obscurité d’où émergent les animaux exposés. Cela devient un rien irritant, d’autant que l’on peine à lire les nombreuses légendes qui, écrite en petits caractères, sont plongées dans l’ombre. Comme au Musée de la Marine, l’effet Waouh l’emporte sans appel sur la pédagogie et la logique. 

Mais ne gâchons pas notre plaisir, l’ensemble impressionne et offre un spectacle qui réjouit les nombreux enfants qui sont amenés par leurs parents découvrir tous ces animaux figés dans leur animation immobile.

Puis on est à deux pas de la Contrescarpe pour aller se régaler après s’être gavé de zoologie.

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LE RAMBOLITRAIN

Rambouillet est une jolie petite ville assoupie entre les casernes, son château, son parc, ses forêts et d’innombrables haras. Son centre ville tiendrait tout entier sur une place modeste de Paris. C’est propre, en ordre et cela respire un ennui presque parfait.

Pourtant, il existe dans cette ville un petit musée très artisanal dédié aux trains miniatures. Ce musée très bien tenu se visite en une heure, pour le plus grand plaisir des enfants et la terreur constante des passionnés qui surveillent et entretiennent les lieux et qui sont prêts à bondir sur le garnement qui tenterait de toucher leurs extraordinaires maquettes.

Il y a quelque chose de magique et un rien mystérieux dans ces reproductions jusque dans les moindres détails de ce monde miniature que l’on observe comme si nous étions des géants bienveillants surveillant ce monde en mouvement.

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LE MUSÉE D’ORSAY

Le musée d’Orsay est l’un des rescapés du vingtième siècle qui n’avait que mépris pour les oeuvres du XIXème siècle bourgeois, pompeux, champion d’un mauvais goût sans limite. On rasera le Trocadéro et les Halles de Baltard sans le moindre regret pour ces oeuvres batardes et à l’inspiration hybride. Il s’en faudra de peu que la Tour Eiffel, l’Opéra, le Grand Palais et bien d’autres oeuvres du XIXème siècle ne fussent sacrifiés sur l’autel de l’architecture moderne triste et carrée comme le béton. 

La gare d’Orsay, énorme bâtiment purement hérité de cette architecture où l’on masquait le métal par de glorieux revêtements de pierre surchargés de statues. Gare de banlieue, puis parking, l’énorme bâtisse allait à sa fin. Mais, à la fin du XXième siècle, l’abhorration pour les pâtisseries romantiques cesse et on choisit de restaurer ces monuments. Il faut dire que l’architecture moderne suscitait le pire des ennuis.

C’est ainsi que naquit ce formidable musée, écrin colossal de l’art du XIXème siècle. Aucun lieu ne pouvait mieux l’accueillir.

Une allée centrale habitée de statues au kitsch impressionnant met le visiteur dans le ton de ce musée immense. 

Puis on découvre que la seconde moitié du XIXème siècle n’a pas été l’empire du seul impressionnisme. On découvre du réalisme, de la peinture symboliste, coloniale, héroïque, de la caricature, des pastiches historiques, des oeuvres d’une diversité étonnante. 

Parvenus au cinquième niveau, à la hauteur du toit, on découvre les impressionnistes admirés par une foule compacte brandissant ses smartphones. La chambre de Van Gog est aussi inaccessible que la Joconde au Louvre. De hordes d’Asiatiques se photographient inlassablement devant les oeuvres les plus fameuses. On ne regarde pas, on se prend en photo. Il ne reste plus qu’à fuir.

Petit passage par le quartier de Grenelle et incursion chez Deyrolle pour faire bonne mesure à cette promenade. Après les  oeuvres du monde Zola et Baudelaire, quelques scorpions et des lions empaillés.

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L’ATELIER DES LUMIÈRES

Il y a quelques années, nous eûmes le grand plaisir de visiter les Carrières de Lumière aux Baux de Provence. Un lieu gigantesque où étaient projetées sur les murs, le plafond et le sol de ce labyrinthe de galeries immenses, les oeuvres de Klimt et d’Egon Schiele, accompagnées de musiques de Wagner, Bruckner, Mahler et Richard Strauss. Nous y restâmes des heures, voyant et revoyant le spectacle, Jackie était émue aux larmes par la beauté de cet ensemble global du lieu des oeuvres et de la musique. Je n’ai pu conserver de photos de cette visite car, le lendemain, à Marseille, un petit malin pris mon porte cartes pour mon portefeuille et me priva de tous mes clichés.

Aujourd’hui, après avoir gouté au PLOV, le plat national des Ouzbèques, preuve patente que Samarcande n’est pas une capitale gastronomique, nous sommes allés visiter l’Atelier des Lumières pour y voir l’exposition sur l’Égypte des Pharaons et les Orientalistes.

Si les Carrières de Lumières sont une cathédrale, l’Atelier des Lumières est une église de quartier. L’espace y est beaucoup plus confiné. On ne risque pas de se perdre dans le dédale des galeries aux profondeurs insondables. Mais le plaisir est toujours là, vertigineux, étourdissant. Quand on parle d’immersion, ces spectacles nous envoient dans de prodigieux abysses d’mages et de musique. Même les spectateurs se fondent dans les images sans cesse en mouvement et épousant les formes et les contours irréguliers des lieux. 

Une seconde visite s’imposait à l’Atelier des Lumières pour y voir la rencontre entre Van Gogh et le Japon. Malgré les dimensions modestes de l’endroit, tout lk’art de Van Gogh s’y exprime dans le mouvement et la lumière. Ce qui rend la rencontre avec les vagues de Hokusai encore plus saisissante.

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LE MUSÉE DU LOUVRE

Quand, dans les années 60, le gamin de 12 ou 13 ans que j’étais, s’aventura dans le musée du Louvre, c’était un immense bâtiment noir qui se répandait dans la ville et était transpercé d’une circulation indifférente à la grandeur du monument. À la place de la pyramide tant décriée se morfondait un square miteux. à la place des immenses verrières de l’aile Richelieu végétait le ministère des finances dans toute sa stérilité. 

On entrait par un triste guichet, avant de se retrouver face au grand escalier menant à une Victoire de Samothrace mal éclairée dans les murs gris qui respiraient l’oubli. Je m’arrêtai devant la Joconde à peine protégée par un gardien somnolent, isolée sur un mur de la grande galerie.

Pour visiter ce musée somnolent, il suffisait d’y aller et d’y entrer sans craindre la foule qui ne se pressait pas dans ces galeries qui sombraient dans la poussière.

Je suis retourné mainte fois visiter le Louvre. J’y amenait tous ceux qui venaient visiter Paris ou que je désirais instruire. La dernière fois, c’était en 2007 et l’on n’y faisait guère la queue, On entrait sans effort et sans attente dans la pyramide, la Joconde était encore visible de près, derrière une simple vitre protectrice et seulement entourée de quelques visiteurs. Le ministère des finance venait à peine de déménager, laissant l’aile nord du palais en friche. La visite de Ti Duc, notre jeune protégé vietnamien, et qui désirait aller au Louvre, nous donne, aujourd’hui, l’occasion d’y retourner.

Au coeur du gigantesque monument se dresse la pyramide de verre qui recouvre le centre névralgique du musée, sorte de pieuvre de grands corridors plongeant dans cette immensité au point qu’on y est immédiatement désorienté. À la logique des longues galeries se substitue un espace en étoile, en galaxie, se projetant dans toutes les directions.

Entrer dans le Louvre est, désormais, un exploit qui se prépare, la foule fait la queue à l’infini et l’attente aussi n’en finit pas. Puis, à la manière de bétail, on est dirigé vers le musée à travers un dédale d’escaliers mécaniques. La Joconde ne se voit plus, protégée par un luxe de parois de verre et cernée de centaine de touristes brandissant leurs smartphones, elle ne peut plus révéler que sa taille médiocre et son sourire lointain. Tout près de là, des chef d’oeuvre d’une bien autre envergure n’attirent pas tant de regards.

Le musée a pris de l’ampleur, de la profondeur. Son immensité s’affirme et l’on se perd à tenter de tout voir. Malgré des efforts de chronologie, on se sent passer en permanence du coq à l’âne, des trésors des rois de France à ceux de l’Égypte antique, des momies ptolémaïques aux fresques nouvellement révélées de Botticelli. On découvre, presque surpris, le nombre d’escaliers grandioses et d’interminables galeries. Mais on ne s’y retrouve pas pour autant, car les collections sont encore une fois déplacées, voire délocalisées pour nourrir les succursales de cet immense musée. Où se cache donc, désormais, la peinture française du Moyen Âge et de la Renaissance, maintenant que la peinture italienne a pris sa place ? La richesse des collections impressionne autant qu’elle égare. La lumière est distillée avec un art propre à rendre justice aux innombrables chefs-d’oeuvres. Des cafés et des boutiques parsèment cette cité des arts millénaire pour qu’elle s’achève sous terre en un centre commercial. À la muséographie ancienne qui se contente d’aligner les oeuvres s’en substitue, peu à peu, une nouvelle qui met en scène les merveilles exposées. Aux salles ou des vases grecs sont empilés dans des armoires vitrées succède les nouvelles salles immenses, brillamment éclairées par de grandes verrières, où les oeuvres s’inscrivent dans le décor en se répondant les unes aux autres. À la rigueur historiographique se substitue le musée spectacle qui comble les visiteurs avides de selfies et photos de leurs proches avec les chefs d’oeuvres. 

Le vieux musée triste est devenu un palais des mille splendeurs plein de lumière, mais il n’empêche qu’on éprouve un sentiment mitigé de n’avoir pas tout vu, d’avoir manqué ce qu’on espérait voir.

Tout au long de la visite j’ai cru reconnaître, par ci par là, un visages connu qui semble émerger des millénaires et de la magie de l’imagination …

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LE MUSÉE CARNAVALET, AU COEUR DU MARAIS

Le Marais, c’est le coeur quasi intact de Paris. Haussmann n’y a pas laissé de trace trop visible et les abondants palais et hôtels y demeurent à l’abri de leurs hautes portes cochères, au détours de rues étroites format un labyrinthe qui désoriente les mieux boussolés des promeneurs. 

Le musée Canavalet, c’est un des coeurs battants de ce dédale. Constitué d’un agglomérat de palais, il s’étend autour de nombreuses cours par d’innombrables et déroutantes galeries. On s’y perd avec délice.

Le musée Carnavalet ne parle que de Paris, du néolithique au périphérique, de Mérovée à Chirac, de Madame de Sévigné aux zazous, des salons aristocratiques au lit de Proust.

De nombreuses maquettes et plans en relief et informatiques nous font saisir le souffle millénaire de la ville.

Fraîchement rénové, le musée nous transporte à travers les âges avec l’élégance et la légèreté d’un artiste des Lumières.

Et quand on sort, c’est tout le quartier plein de vie et de splendeurs qui perpétue le plaisir de la visite.

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LES SURRÉALISTES AU CENTRE POMPIDOU

En ce jour de novembre 2024, il n’était pas forcément judicieux de se rendre à Paris envahi par la neige. Une neige épaisse et collante, tombant à gros flocons serrés en hésitant entre tenir ou tout mouiller d ‘au glacée. Mais malgré la gabegie occasionnée sur les routes et dans les transports, la neige rhabillait Paris et en faisait, la badigeonnant de blanc et de transparences floues, une ville étrange, irréelle, je dirais même, surréelle. Quelle bonne occasion d’aller voir l’exposition sur le Surréalisme au Centre Pompidou, de voir ce musée extraordinaire, avant qu’il ne ferme pour se refaire une beauté.

L’exposition est labyrinthique, dès l’entrée par une bouche de monstre, elle assume cette déambulation où l’on va et vient par d’innombrables détours dans la présentation d’un nombre très important d’oeuvres célèbres et inconnues.

Malgré cet apparent désordre, la visite est organisée par grands chapitres explorant chaque facette du Surréalisme.

Ce mouvement dont on doit le nom à André Breton, ce maître ombrageux et dogmatique, naît, en fait bien avant lui quand les peintres et les auteurs de la fin du XIXème siècle commencèrent à représenter la réalité provenant de leurs rêves, échappant ainsi au réalisme et au fantastique, chacun recherchant la cohérence d’un monde, réel ou irréel. Le Surréalisme revendique l’incohérence, le contact insolite entre et un parapluie. Le beau naît de ces rencontres insolites, nées de l’expression spontanée, de l’écriture automatique, du rêve.

Baudelaire, Rimbaud, Fussli et Huysmans étaient des Surréalistes avant l’heure.

Mon oncle, lorsque, adolescent, j’explorait les mystères de la littérature et de l’art, m’initia au Surréalisme, non pas en me l’expliquant, mais en me le faisant vivre à travers mille aventures où il m’entraîna jusqu’au bout du monde.

Le Surréalisme s’organise autour de quatre principes :

– remplacer la réalité (et le réalisme) bourgeois par ce qui émane de nos rêves, des automatismes de la pensée et des principes décrits par Freud (condensation, déplacement, etc.)

– expression de l’érotisme dans ce qu’il émane de l’inconscient, transformant la notion d’amour en celle de désir et de fantasme.

– influence du Marxisme dans la mise en question du beau. Le beau devient révolutionnaire et remet en question les normes édictées par le pouvoir. Éloge de la laideur et du monstrueux.

– occultisme, délires mystiques et recours aux formes de l’idolâtrie primitive. Transgression des représentations sacrées : Dieu est mort, vive les idoles.

Ce mouvement, qui se voulait révolutionnaire, qui se proclamait volontiers proche du peuple, fut particulièrement rejeté par ce dernier qu’il choquait et qui n’y comprenait rien. Le réalisme socialiste, comme l’iconographie fasciste se construisirent en réaction délibérée contre lui. Sans parler de l’église qui se sentit outragée par le détournement des figures sacrées.

On ne peut, non plus, négliger un aspect très répandu dans le Surréalisme, qui est l’humour et la provocation. hérités du Dadaïsme. Dali, Bunuel (avec la scène de l’oeil, Clovis Trouille est ses scènes grivoises, beaucoup de surréalistes y ont eu recours, jusqu’à enrichir la notion d’humour de sa part de surréalisme.

Avec le temps, on préféra au Surréalisme deux évolutions qui rejetaient à peu près tous ses principes : l’abstrait et l’hyper-réalisme. 

Les jeunes, voire les enfants, qui visitaient l’exposition, se montraient particulièrement intéressés par ce qu’ils découvraient. Beaucoup plus que beaucoup de vieilles dames que j’entendais dire : «  Ah ça, je ne peux pas voir ça ! » 

Y a de l’espoir !

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LE MUSÉE CERNUSCHI ET L’ART DU VIETNAM

Le musée Cernuschi est un petit musée bien caché près du Parc Monceau. Y sont exposées des oeuvres du Vietnam datant jusqu’à mille ans avant notre ère et démontrant la richesse des civilisations du sud-est asiatique. 

Ce musée fut créé par Henri Cernuschi dans sa propre demeure. Cet homme, dans les années 1870, ami de Zola, de Huysmans et de Gambetta, fit son Grand Tour, partant de la côte ouest des États unis et sillonnant longuement toute l’Asie, du Japon à l’Inde et l’Indonésie. 

Actuellement, le musée expose les oeuvres de trois peintres vietnamiens qui ont beaucoup vécu à Paris et qui ont connu le lent divorce entre la France et le Vietnam. Des peintres dont l’oeuvre est marquée autant par la tradition vietnamienne que par les courants artistiques parisiens de l’entre-deux-guerres.

On ressent, en visitant ce musée et cette exposition, à quel point la relation entre la France et le Vietnam n’est pas seulement une histoire coloniale, mais celle de deux cultures qui s’admiraient et qui se souviennent avec émotion de cette époque où ils ne savaient pas se comprendre.

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LE MUSÉE MARMOTTAN MONET

J’étais gosse, à la fin des années 50, et j’allais jouer dans les jardins de la Chaussée de la Muette, patinant à roulettes, poursuivant les autres garnements dans des parties de cow-boys et d’indiens qui s’achevaient souvent par des couronnements de genoux. Tout cela sans me douter un seul instant qu’il existait là un musée. 

Monsieur Marmottan, comme d’autres personnages fortunés, se piquait de collectionner des oeuvres d’art. Il décida, comme les autres millionnaires de l’époque, de transformer sa demeure en musée. C’est ainsi que naquit le Musée Marmottan et Monet, alliant ainsi le mécène et l’artiste dans un zeugma muséal.

Le musée ressemble effectivement à une vaste demeure où certaines pièces semblent encore habitée par un riche propriétaire du XIXème siècle.

Les collections sont d’un grand éclectisme, allant de l’art gothique allemand à l’impressionnisme. De plus, une belle exposition sur les trompe l’oeil à travers les siècles vient ajouter à cette diversité papillonnante du musée. On y trouve même une collection d’épées d’académiciens. 

En ce qui concerne Monet, on trouve là son fameux tableau « Impression du Soleil Levant » et deux ou trois tableaux connus, mais aussi quelques oeuvres plutôt mineures. Quelques oeuvres de Berthe Morisot complètent la collection impressionniste. Ce n’est quand même pas le Musée d’Orsay.

On pense à Huysmans et aux collections de Des Esseintes.

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LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE

Que voilà un gros titre pour un musée qui rappelle la boursouflure intellectuelle de certains fonctionnaires en charge de ce genre de désignation. C’est un musée, pas une cité, voilà tout.

J’étais tout gosse quand, poussé par je ne sais plus quelle curiosité je poussai la porte du musée qui se trouvait de l’autre côté de l’esplanade, alors que je connaissais par coeur le musée de la marine où j’aimais rêver au milieu de maquettes des grands navires du passé, pressentant violemment la voile.

J’avais été sidéré par ce sanctuaire des architectures médiévales, ces façades sculptées, ces portails énormes et ces statues. Je n’imaginais pas que ce fussent des moulages, aussi, pour le coup, je me sentis transporté dans une cité perdue et sans nom dont la décrépitude et la poussière densifiait le mystère.

Aujourd’hui, par une lumineuse journée de février, j’y suis retourné pour découvrir à nouveau cette incroyable collection d’oeuvres médiévales mises en scène avec beaucoup de talent, en échangeant avec le monde extérieur des contrastes saisissants. Ce palais tout de pierre révèle, quand on est dedans, de vastes ouvertures qui renforcent la solennités des pièces massives qui y sont exposées. Puis dans un dédale de corridors étroits, on s’aventure dans la pénombre dans des chapelles étroites et ornées de peintures pieuses. Une fois de plus, on se prend à voyager.

Le musée s’essaie aussi à exposer l’architecture moderne, mais, là, la magie ne prend pas et l’on erre à grand pas de maquettes en maquettes sans ressentir la puissance de la partie médiévale.

Le musée est quasi désert. Autant dire qu’il gagnerait à être mieux connu.

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DU COEUR À LA MAIN : DOLCE & GABBANA AU GRAND PALAIS 2025

Lors de mes études, durant les années 70, mes travaux en littérature comparée m’avaient entrainé vers les terres brumeuses du dandysme, du romantisme finissant et du développement du kitsch. 

Le kitsch, un terme germanique exprimant le déchet, le rebut, était décrit comme l’expression la plus évidente du mauvais goût, de cette recherche d’ornements singeant le vrai luxe sans jamais s’en approcher.

Le kitsch, ce sont les Verdurin face aux Guermantes, les Sedara face aux Salina. Le kitsch, c’est le simulacre vulgaire du beau.

Mais le kitsch a aussi une autre acception, moins directement attachée au mépris de classe. Quand, « chez ces gens là » on essaie d’avoir du goût, on est involontairement kitsch, on voudrait avoir l’air, mais on n’a pas l’air du tout. 

Mais quand les dandys, riches, lettrés et méprisants de la société bourgeoise en plein essor, se piquent d’en faire trop, de surcharger d’ornement redondants ce qui n’en nécessite pas, ils le font en toute conscience, juste pour le plaisir de choquer la galerie, de se distinguer de la raideur du bon goût et se moquer des nouveaux riches en caricaturant ce qu’ils croient beau. 

Comment faire surgir a beauté de la laideur la plus vulgaire ? Tous les dandys de la fin du XIXème siècle se sont posés la question et n’ont pas hésité à tout tenter.

L’exposition de Dolce & Gabbana est toute entière conçue dans cet esprit. Tout y est superlatif, impossible, exacerbé. Et sur ce terreau de décadence putride, pousse les fleurs de rafflesia sublimes et mortifères. C’est tout un monde moribond, venu d’outre-tombe comme les échos de bals fantomatiques que déploie cette exposition labyrinthique que parcourent une horde de couturières effarées palpant les étoffes, inspectant les coutures et tentant de comprendre.

Tout y est contraste entre le vivant et le défunt, entre l’obscurité et la lumière, entre le drôle et le funèbre. Les airs de valse contraste avec des neumes grégoriennes surgies des profondeurs. 

Et, dans cette profusion de tenues aussi luxueuses qu’importables, aussi belles qu’aberrantes, nait une profonde nostalgie d’un monde qui n’existe que dans les rêves.

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DU MUSÉE BOURDELLE À LA COUPOLE

Aujourd’hui, nous avons décidé de nous rendre à la capitale pour une de nos visites gastro-culturelles qui nous sont si chères. Jackie a choisi de nous faire visiter le musée Bourdelle. Bien lui en a pris.Ce monsieur Bourdelle s’appelait en fait Émile Antoine Bordelles et ainsi était fort bien nommé tant on se perd dans les méandres de sa biographie qui télescope celle de son fils Pierre, celle de Rodin et d’autres artistes qui ont vécu à cheval entre le XIXème et le XXième siècle.

On retrouve chez lui l’influence visible de Rodin, mais aussi une tendance à un néoclassicisme dit monumental et qui s’avère surtout fort pompier. Comme on dit, plus c’est gros, plus ça passe ! On le connaît aussi pour avoir commis les statues qui ornent le théâtre des Champs Élysées.

Le musée occupe la maison qu’il habitait et où se trouvaient ses vastes ateliers. Ce lieu immense et labyrinthique se trouve dans cette partie du quartier de Montparnasse qui fut dévastée par les promoteurs des années 70 et où surgissent ça et là des reliques touchantes d’un passé de passages et de ruelles pleins de verdure et d’artistes.

Après cela, il ne nous restait qu’à nous rendre à la Coupole où les fantômes de Sartre et de Joséphine Baker rodent encore dans un lieu où chaque colonne est l’oeuvre d’un peintre et où les plats, délicieux, souffrent un peu de shrinkflation pour demeurer d’un prix acceptable. 

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EUPHORIA : UNE EXPOSITION TRÈS GONFLÉE

Le Grand Palais, désormais complètement restauré dans son immensité, est devenu le lieu d’expositions qui tirent le plus grand parti de son espace et de ses coulisses labyrinthiques. 

Moi, qui  exècre les ballons que je tiens les bulles de la décadence du siècle, je me suis retrouvé dans une expo qui ne propose que des ballons, de toutes tailles, de toutes formes, de toutes densités. Une expo qui met en scène l’art de la baudruche, au motif que l’homme a su gonfler  toutes sortes de chef d’oeuvres, du Graf Zeppelin à Jeff Koons. 

Et, vous n’allez pas le croire, mais on est saisi par ces bulles et ces globes mis en scène dans un déluge de fantaisie. Des bulles de fumée, des sacs poubelles respirants, une immense piscine de ballons, des ballons soufflés dans une bourrasque musicale. 

On redevient enfant, on abandonne sa raison et on se laisse envouter par cette exposition qui joue (au sens propre) avec l’espace impressionnant de ce palais grandiose. Vous n’aurez même pas à réfléchir trop longtemps sur les déclarations pompeuses qui accompagnent le spectacle. La pointe d’une seule épingle les fait pschitter comme elles le méritent.

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DOISNEAU CHEZ MAILLOL

Après Bourdelle, nous v’la chez Maillol. À  vrai dire, en sortant de notre visite trimestrielle chez notre ophtalmo préféré, Jackie m’a proposé d’aller visiter l’expo Doisneau qui se tenait à deux pas au musée Maillol. Je me suis bien gardé de prendre des photos de photos si célèbres, mais je ne me suis pas privé d’en prendre de ce sculpteur qui évolue dans la même mouvance que Bourdelle avec des statues au style néo-classique aux traits redondants et à la lourdeur somme-toute assez sensuelle. Contrairement à Bourdelle, il ne joue pas dans le gigantisme et, in fine, me semble plus humain. Il fait partie de ce courant qui fait le pont entre l’impressionnisme et l’art moderne avec ce ton un peu figé qui semble se poser là en témoin muet d’une époque en plein chamboulement. Cela dit, quelques sculptures acrobatiques contredisent un peu ce propos. Doisneau y fait un peu office de trublion avec ses photos de l’instant et ses impertinences. C’est ainsi que les contraires s’attirent et se complètent.

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HOCKNEY CHEZ VUITTON

David Hockney est un peintre hâtif, qui pond des toiles comme une poule pond des oeufs. Cela tient souvent du gribouillage de gosse et ses peintures de Normandie font penser à du Monet retombé en enfance. Une peinture qui fait feu de tout bois et qui se multiplie comme un carrelage de toiles, toutes de la même taille, juxtaposées à l’infini. Par bonheur, l’artiste, qui a dans les 90 ans, est animé par un sens de l’humour qui renvoie aux visiteurs l’écho de leur présence. Ce peintre est typique de cette tendance contemporaine des peintres de jouer de leur talent pour faire de l’humour plutôt que de chercher la beauté, valeur devenue triviale. Ça pète de couleur, les sujets sont volontairement banaux, ça se multiplie comme les lapins, on en ressort un peu étourdi. Pas forcément émerveillé. C’est un peu comme ce musée qui fascine par son habillage aux courbes audacieuses et aériennes, mais qui se révèle un jeu de cubes sombres et plutôt mal fichus, une fois qu’on est dedans. Ce n’est pas pour rien que c’est le musée d’un marchand de valises.

Un petit spectacle audiovisuel clôt l’exposition …

Cela m’a donné l’idée que je pourrais bien être une sorte d’Hockney …

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LE MUSÉE GUIMET

C’est un de ces musées où je n’avais jamais mis les pieds, bien qu’il fût à deux pas de là où j’habitais dans mon enfance. Alors, profitant que nous étions près de la place de Iéna, nous y sommes enfin entrés. 

L’endroit est remarquable, en particulier par son architecture, néoclassique dehors, digne des dessins de M.C. Escher à l’intérieur. On a l’impression que les escaliers se croisent dans tous les sens et qu’ils défient la gravité.

Cela forme un écrin parfait pour les magnifiques collections qui sont exposées dont beaucoup sont des objets plus que millénaires. 

C’est admirable, admirablement beau.

Et puis, naît, au cours de la visite, un ensemble de sentiments moins agréables. 

Pour commencer, les têtes de Bouddha de tous les horizons, ça finit par faire beaucoup de têtes de Bouddha. C’est comme le chocolat, au bout d’un moment ça finit par peser sur l’estomac. 

C’est à croire que l’Asie, qui est le sujet de ce musée, se résume presque totalement au bouddhisme, en gommant toutes les différences par cette indigestion. Ce n’est pas tant un musée de l’art asiatique, c’est un musée du bouddhisme sous toutes ses formes, n’octroyant aux autres religions et courants de pensée que des rôles accessoires, des fonctions de contrepoint.

Pour ce que je connais du Vietnam, presque rien n’est montré des autres religions qui y ont prospéré, telles que le christianisme, le confucianisme et le caodaïsme (dont Victor Hugo est un des prophètes).

Aucun plan du musée n’est proposé, il faut le télécharger. Quant aux légendes des objets exposées, elles sont abondantes, très longues, rébarbatives et, surtout, très mal éclairées. Ce musée, c’est un peu le plan d’un métro dans une ville dont on ne sait pas lire les caractères et dont les lignes s’entrecroisent à l’infini. On finit par ne plus très bien savoir si on est à Java ou en Mandchourie. Au bout du compte on s’en fout, tout ça c’est du Bouddha !

Il y avait bien une exposition sur Araki, des milliers de polaroïds, du sol au plafond, minuscules et mal éclairés. C’est comme si on avait voulu parler du shibari, mais qu’on s’était bien gardé de le montrer. Or c’est un aspect non négligeable et historique de la culture du Japon.

Et puis, dans ce thème de l’euphémisme et de l’omission, le Tibet n’existe pas au musée Guimet. Ne serait-ce pas pour complaire à quelque sponsor pékinois piquant ?

Au bout du compte, ce musée est très beau, mais fort peu sympathique.

Je lui préfère sans ambage le modeste musée Cernuschi qui, en toute discrétion exprime mille fois plus l’esprit de l’Asie.

Alors, pour redonner vie à ce cénotaphe, j’ai resitué quelques unes de ces oeuvres dans leur environnement naturel :

Ce jour là, en plus de visiter le Musée Guimet nous avons assisté à un exercice des pompiers, ce qui a fait augmenter notre taux de spiritualité.

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SAINT GERMAIN EN LAYE : LE MUSÉE CROUPION

Depuis que le château de Saint Germain en Laye a été restauré dans toute sa splendeur à la suite d’interminables travaux, il nous tardait d’aller visiter la merveille. 

Que nenni !

Certes, les murs ont été ravalés dedans comme dehors, mais, dès l’entrée, on sent le malaise. 

L’entrée est bardée de passages interdits et les caisses se dissimulent au bout d’un couloir coudé et bordé de rien. Celle qui vend les billets, masquée comme au temps du COVID nous avertit que le château ne se visite pas car il n’y a plus de meubles. À Chambord et au Palais des Doges il n’y a pas non plus de meubles, mais on visite quand-même !

Alors, on se lance dans l’explorations des salles archéologiques où s’alignent des haches paléolithiques, néolithiques, de l’âge de bronze, de celui du fer, des profondeurs de la préhistoire à Alésia. De ci de là, une cuirasse, quelques bijoux, quelques statuettes, puis des haches, des épées et des bracelets ad nauseam dans des vitrines sans autre projet que de suivre la flèche du temps pour se planter dans l’ennui le plus parfait. Un musée de collectionneurs où s’ennuient des cohortes d’écoliers.

Une exposition sur le feu semble promettre un peu plus de palpitance … Pareil, encore des haches, des épées et quelques cuirasses. Deux ou trois bijoux et c’est fini.

La chapelle, une des quelques copies de la Sainte Chapelle, est encombrée qu’un gros meuble qui n’a d’autre utilité que d’en masquer l’architecture. 

Quand on sort, il nous est demandé de refermer la porte derrière nous. 

Nous sommes sortis et nous avons jeté la clé de ce musée morose et sans esprit.

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LA FONDATION CARTIER (11/2025)

Dans ma jeunesse, les magasins du Louvre étaient un grand magasin pour couturières, un peu gris, un peu triste, un peu vide. Il furent fermés et remplacés par le Louvre des Antiquaires, un étrange assemblage de magasins d’antiquités que l’on pensait avoir leur place entre le musée et le quartier du Palais Royal. Cela devint un endroit vieux et sombre pour vendre des objets vieux et sombres à des gens vieux et sombres. Les catacombes du commerce. D’autant plus que le Grand Louvre s’exposait dans toute sa splendeur et que le quartier du Palais Royal devenait un lieu à la mode, renouant avec son passé de jeu et de plaisir.

C’est alors que, suivant l’exemple d’autres milliardaires en veine de culture, la maison Cartier décida de racheter la momie et d’en faire le quartier général de sa fondation. 

On peut faire confiance à Jean Nouvel pour ne pas s’embarrasser du vieux. À l’intérieur d’une coquille séculaire, l’espace a été totalement chamboulé, rendu modulaire, transparent, déstructuré pour abriter des collections d’art contemporain aussi audacieuses que rigolotes. Les artistes présentés ont toute la place pour mettre en scène leurs « installations » dont beaucoup, avouons le, sont dignes de blagues d’ados ou de châteaux de sable sur une plage. Et ce n’est pas les notices pontifiantes accrochées aux murs qui nous annoncent une vision déstructurante de l’univers pessimiste du créateur, qui démentent la sensations persistante qu’on se fout de notre gueule. Il faut dire qu’il fut un temps où il n’était pas nécessaire de lire cent lignes d’exégèse pour voir et comprendre une oeuvre. Mais voilà, je crois que je me fais vieux. 

Mais, avouons le, l’ensemble a vraiment de l’allure. La somme de ces gribouillages finit par constituer une oeuvre, un supersigne de l’art où les diverses création se fondent dans l’architecture dans une sorte de roman holistique qui serait l’art contemporain quand il ose s’exprimer.

Contrairement à la fondation Louis Vuitton qui a caché sous des voiles d’une grandiose élégance un musée biscornu, malcommode et mal foutu, la Fondation Cartier fait tout l’inverse. Dans un écrin architectural qui a toujours sécrété l’ennui, les oeuvres s’emparent de l’espace et vivent, respirent ensemble.

Et pour couronner le tout, il n’y avait pas que des vieux dans ce nouveau musée, la vieille bâtisse accueille désormais des jeunes …

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Geluck de Bronze

Hier, nous sommes allés, bravant le danger sournois de la pandémie, sur les Champs Élysées où sont exposées les sculptures en bronze du chat de Geluck. Depuis longtemps déjà, je suis un adepte de cet humour  qui marie l’art et la dérision dans un feu d’artifice de jeux sémantiques jamais dénués de sens et d’arrière pensées humanistes. 

En mariant une forme majeure (le bronze) au dessin d’humour, ces sculptures dynamitent l’art officiel. à preuve, les vitupérations colériques des bourgeois du coin. Mais la foule ne s’y trompe pas, elle. Elle vient admirer le long alignement de statues et les appareils photo crépitent devant ces clins d’oeil à la fois érudits et impertinents qui font la réputation de l’humour belge.

Cette utilisation surréaliste de l’art n’est pas sans me rappeler Damien Hirst  qui avait envahi Venise, en 2017, de ses statues démesurées d’une mythologie revue et corrigée, révélant, par exemple, un Mickey couvert de coquillages, parmi les statues antique.

Cet humour sémantique dans lequel excellait Raymond Devos, n’en pensent les rhéteurs chafouins, donne du sens à l’art, là où le pompier le vide de sens et l’abstraction et le formalisme le fige dans une cuistrerie de salon. L’humour et le décalage mettent le doigt sur la beauté de nos faiblesses, l’indécence de nos vanités.

Cela me rappelle mon enfance, quand ma mère, m’ayant exilé dans une terreuse colonie de vacance éclésiastique, se rachetait en m’envoyant des cartes postales de Siné où, déjà, le chat faisait de la pataphysique.

Les chats de Siné

Et, juste parce que je n’arrive pas à m’en empêcher, j’ai recartoonisé les bronze de Geluck …