Sémiotique appliquée

En 1978, je suis devenu le plus jeune docteur d’État en France pour avoir soutenu une thèse de 666 pages appelée SÉMIOPRAXIE DE L’HYPERSIGNE.

Les professeurs qui constituaient mon jury ont tout tenté pour que je ne puisse pas soutenir ma thèse. Ils m’ont même fait promettre de ne jamais enseigner puis m’ont décrété docteur en se pinçant le nez.

Puis j’ai enseigné toute ma vie …

Mais pour gagner ma vie j’ai dû travailler dans le domaine où la Sémiopraxie (sémiotique appliquée) aurait une utilité : le marketing.

Pour convaincre les gens de marketing, mais aussi les créatifs prêts à en découdre avec un binoclard intello, j’ai travaillé à construire une boîte à outils simple, claire et efficace.

Cette boîte à outil m’a servi pendant des années, d’abord sur des études réalisées en France, puis, plus tard, pendant des années dans de nombreux projets internationaux pour mieux comprendre les systèmes de signes opérant à l’intérieur de diverses cultures.

Ces outils sont présentés dans un document publié il y a 25 ans. L’exposé a un peu pris la poussière, mais il peut toujours servir …

À propos, l’hypersigne, c’est un signe dont le signifiant et le signifié peuvent varier indépendamment l’un de l’autre et à grande vitesse …

Innovation

LES ÉTUDES DE MARCHÉ ET L’INNOVATION

S’il est un fait indiscutable, c’est que les études de marché n’on jamais permis d’anticiper les véritables innovations de rupture, celles qui remettent en question les usages et les modes de pensée.

Les études de marché, en particulier les études qualitatives dont j’étais un spécialiste incontesté à l’échelon européen, ont permis, sans aucun doute, de mieux comprendre la culture, les habitudes, les besoins et les motivations des « consommateurs ».  Cette compréhension est essentielle car elle permet d’améliorer les produits, de répondre à des « attentes » avec une plus grande précision et une meilleure pertinence. 

Mais les études de marché, tout en mettant en lumière ces fameuses attentes, sont bien incapables d’identifier ce qui sera le facteur d’un changement radical, cette fameuse BONNE SURPRISE qui changera les usages, les points de vue, les façons de concevoir sa propre vie.

Pourquoi ? Tout simplement parce que l’on ne cherche pas au bon endroit. En interrogeant le consommateur, on ne peut obtenir pour réponse que des demandes implicites ou explicites d’amélioration de la situation actuelle. Demander à une population qui n’utilise que des traineaux comment innover, elle répondra, imaginera, exercera sa créativité pour des traineaux mieux conçus, pas pour des roues !

Faire du consommateur l’expert de sa propre consommation est une illusion qui a conduit le monde des études vers un conservatisme sans frein, à peine dissimulé par les artifices méthodologiques de la sémiologie ou de la créativité, sans parler des arcanes de la programmation neurolinguistique.

Face à ce problème, la tendance des producteurs à se conformer à la tendance en cours constitue une réponse symétrique.  L’iPhone est une innovation de rupture qui a engendré, chez ses concurrents, une inflation immédiate de produits similaires proposant des accroissements de performances, aucun changement. Dans le monde automobile, le développement des SUV et des voitures bicorps est parfaitement significatif d’un aplatissement des spécificités.  Et ce phénomène se retrouve sur presque tous les marchés, chaque entreprise essayant de se nourrir du même gâteau que ses concurrents les plus prospères. L’obsolescence programmée étant le moyen de renouveler un marché qui sans cela stagnerait.

LA CONFÉRENCE SUR L’INNOVATION

Au cours des années 90, mon vieux copain Udo Reuter qui fume maintenant ses Gitanes avec le bon Dieu, et moi-même réfléchissions sur le problème de l’innovation et les réponses que nous pourrions apporter aux entreprises multinationales pour lesquelles nous travaillions. 

Nous avions identifié un certain nombre de facteurs qui, sans résoudre complètement le problème, amélioraient sensiblement sa compréhension. 

Parmi ces facteurs, nous citerons :

  • La dimension chaotique des marchés régissant les principaux aspects de la concurrence
  • Le fait que la créativité de l’entreprise est plus propice que celle supposée du consommateur
  • Le fait que les révolutions se construisent sur des phénomènes apparemment mineurs du marché
  • La nécessité de croiser des points de vue et des disciplines divers pour créer l’étincelle
  • La nécessité de s’affranchir des normes et paradigmes établis 

C’est ainsi que nous avons préparé une conférence sur la théorie de l’innovation et une méthode d’étude spécifique que nous considérions la plus appropriée pour y faire face. Force est de dire que cette méthode nous a permis de remporter plusieurs succès sur différents marchés européens. On nous demanda à de nombreuses reprises de présenter cette conférences dans des entreprises et des congrès.

Les diapositives de cette présentation existent toujours. Ce qu’elles proposaient, il y a 25 ans, est toujours valide même si l’approche méthodologique a clairement pris de l’âge.

TENDANCES ÉMERGEANTES

De nos jours, la problématique de l’innovation est toujours et encore plus présente. On peut même affirmer que malgré les énormes progrès de la science et des technologie, la tendance est toujours à l’inflation des performances plutôt qu’à la rupture. 

En termes méthodologiques, il convient de plus en plus à stimuler la créativité de l’entreprise à travers non plus le discours, mais l’observation.

L’observation et la stimulation de la créativité de l’entreprise s’appuie de plus en plus sur la maîtrise des neurones miroirs qui alimente la perception, la sensibilité, l’intégration et la compréhension de ceux qui ont des idées dans l’entreprise. 

Pendant plusieurs années nous avons présenté à des développeurs, des responsables du R&D des observations que nous avions filmées de consommateurs en situation.  Très souvent la réactions de nos clients était de s’exclamer :  « Tu le vois bien !!! » et de remettre en questions ce qui semblait établi. 

Voici un montage de quelques situations d’ethnologie filmée où le geste ne va pas forcément avec la parole :

Cette démarche inverse le processus classique et l’amplifie considérablement pour favoriser notablement le processus innovant.

Il va sans dire que les moyens de captation et d’observation permettent désormais de s’affranchir des contraintes de l’observation par un enquêteur filmeur. Néanmoins, il est très clair que lorsque l’on envoie les cadres d’une entreprise visiter les consommateurs et les filmer avec la consigne de ne les interroger que pour seulement déclarer ce qu’ils font, conduit à une incroyable sensibilisation de ces cadres à la réalité de la vie réelle. Cela stimule très fortement leur capacité à apporter des réponses innovantes.